Beatriz et les corps célestes : Lucía Etxebarria
Livres

Beatriz et les corps célestes : Lucía Etxebarria

Voici le second roman de Lucía Etxebarria, une jeune Espagnole de 34 ans qui promet. Elle signe Beatriz et les corps célestes, un roman de femmes, pour tout le  monde!

Elle a quitté Madrid à 18 ans pour aller se trouver ailleurs. En l’occurrence Édimbourg, où elle a plus sûrement trouvé un diplôme de littérature anglaise, une première amante, et puis, pas ségrégationniste pour deux sous, un premier amant. Rien qui puisse apaiser le profond mal de vivre de Beatriz, jeune femme élevée par des caricatures de parents parfaits, pour être une petite fille comme il faut, et qui traîne ses épisodes dépressifs d’une ville à l’autre, d’année en année, de séances de psy en séances de dopage.

Lucía Etxebarria est une jeune auteure de 34 ans, à qui l’on doit Amour, Prozac et autres curiosités (1999), un autre roman de femmes, en ce qu’il faisait la démonstration qu’on ne naît pas ainsi, comme disait l’autre, mais bien qu’on le devient: "À la naissance, on est une personne. Deux jours plus tard, on vous perce les oreilles. On vous met des chaussons roses. Vous êtes une fille."

Etxebarria est cinglante mais elle n’est pas pamphlétaire. S’il est évident que les malheurs de son héroïne (qui s’empêtre dans des histoires de drogue et de copinage compliqué) sont les conséquences directes d’apprentissages sociaux, ils sont aussi le sel de l’individu. Ainsi, les corps célestes du titre réfèrent bien aux corps dont s’amourache Bea, mais ils réfèrent en même temps aux éléments du ciel: étoiles et planètes qui, tels Bea et les siens, tantôt se repoussent, tantôt s’attirent, s’entrechoquent, s’amalgament ou se désintègrent. "De même que le Soleil gouverne la Terre, j’étais gouvernée par ma mère, j’étais sa planète." Cela dit, Etxebarria a eu le bon goût d’user avec légèreté du discours astronomique, n’y puisant qu’à quelques reprises, juste assez pour marquer le fait que l’être est partie d’un tout qui l’englobe et le définit, mais ne le guérit jamais de sa condition humaine.

Beatriz et les corps célestes tient de l’autobiographie d’une adolescence trop longue et franchement insupportable. Comme il y en a tant. Mais ici, les qualités qui sont ailleurs trop rares sont manifestes. Grâce à une narration qui ne connaît pas l’apitoiement, et une écriture rigoureuse qui refuse la linéarité (dans une traduction d’Alexandra Carrasco,

qui se laisse d’ailleurs oublier), voilà une catastrophe de la vie ordinaire qui devient un excellent roman.

Éd. Denoël, 2001, 318 p.

Beatriz et les corps célestes
Beatriz et les corps célestes
Lucia Etxebarria