Mon frère de la planète des fruits : Enfant de coeur
Ce second roman, Mon frère de la planète des fruits, raconte encore des malheurs, ceux d’un garçon "né avec un poisson rouge dans la tête", et qui séjourne, en toute connaissance de cause, dans un centre pour handicapés mentaux. Bien que l’histoire soit narrée avec efficacité, Perro ne réinvente toutefois pas son style.
Pas facile de publier un second roman, quand le premier a frappé fort. C’était le cas de Perro, également dramaturge, avec son Marmotte (Éd. des Glanures), paru il y a deux ans, et qui relatait la vie d’une famille dysfonctionnelle à travers le regard et la voix d’un enfant. Un excellent début, qui imposait un nouvel écrivain.
Ce second roman, Mon frère de la planète des fruits, raconte encore des malheurs, ceux d’un garçon "né avec un poisson rouge dans la tête", et qui séjourne, en toute connaissance de cause, dans un centre pour handicapés mentaux. Bien que l’histoire soit narrée avec efficacité, Perro ne réinvente toutefois pas son style.
Interné "dans une maison de débiles", le narrateur essaie de comprendre ce qui lui arrive, de déchiffrer l’étrange monde dans lequel il vit. "Tous les matins, on mange des pilules et des céréales. À midi, il y a des pilules, de la viande et des patates. Au repas du soir, des pilules avec de la viande et des légumes. Dans la soirée, on a toujours une collation de fruits avec une pilule pour dormir. (…) Plus je mange de pilules, plus je peux contrôler mon poisson."
Le narrateur décrit ses journées, ses échanges avec "l’infirmière au gros derrière", qu’il finira par aimer; "le pape", avec qui il échange ses pilules; et Sophie la fourchette, qui est aveugle, et qui se retrouve dans ce centre à la suite de ce que l’on devine être une overdose d’héroïne. Sophie devient son amour, celle avec qui il veut des enfants, car la jeune femme, privée de la vue, ne voit pas sa laideur, sa difformité.
Et puis, il y a les dimanches, journées que personne n’aime, et encore moins les malades cloués dans des chambres ou des préaux miteux, abandonnés par leurs familles. Mais le narrateur, lui, a un frère. Grâce à lui, il va pique-niquer, prendre l’air, se promener, manger du chocolat, jouer au base-ball. Une grande tendresse unit les deux frères. "Je fais de longues promenades avec mon frère et il me parle sans cesse. Il n’arrête pas de me raconter des tas de choses. Il sait que je n’entends rien, mais il parle quand même à cause de la vibration. Je penche la tête légèrement sur le côté pour bien sentir sa voix me caresser. C’est doux. Mon frère sait que j’aime ça, alors il continue de me parler. Je voudrais lui répondre mais mon poisson mange chacun de mes mots."
Comme Marmotte, la force de vie de ce héros est poignante; sa créativité, étonnante. Et les sujets abordés, que ce soit la solitude, la maladie mentale, la souffrance humaine, sont décrits avec une grande sensibilité.
Comme dans Marmotte aussi, le style de Perro est imagé, inventif. Pourtant, sur le plan littéraire, une impression de "déjà lu" freine l’enthousiasme. Bien sûr, un nouveau lecteur éprouvera plus de plaisir. Mais il y aurait une autre solution: essayer autre chose?
Éd. Les Intouchables, 2001, 124 p.