Hard : Nuit fauve
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Hard : Nuit fauve

Elle a joué dans Baise-moi (de Virginie Despentes), et surtout, travaillé dans de nombreux films X. Rafaëlla Anderson, mi-vingtaine, raconte cette période de sa vie dans Hard, un récit autobiographique qui s’est classé dans les meilleurs vendeurs depuis sa  sortie.

Elle a joué dans Baise-moi (de Virginie Despentes), et, surtout, travaillé dans de nombreux films X. Rafaëlla Anderson, mi-vingtaine, raconte cette période de sa vie dans Hard, un récit autobiographique qui s’est classé dans les meilleurs vendeurs depuis sa sortie.

Bien sûr, il y a fort à parier que les amateurs ont été intrigués par ce qu’avait à raconter une fille du milieu (qu’elle a quitté depuis). Mais il est tout de même étonnant que le grand public s’intéresse à ce livre, alors que le film n’a pas vraiment marché et surtout, autant choqué.

Mais l’intérêt de ce livre n’est ni sexuel ni littéraire. Il appartient plutôt à cette vague de récits personnels, comme on en fait en France (Catherine Millet, Annie Ernaux) et aux États-Unis (Kathryn Harrisson, Sapphire); contrairement à ses compatriotes Millet et Ernaux, Anderson utilise un langage parlé, de la rue (et n’est pas écrivaine).

Dans la foulée de l’affaire Despentes, qui a tout de même fini par l’interdiction du film (qu’on l’on aime ou pas, c’est un scandale), on se serait attendu à ce que Hard suscite les mêmes réactions, étant donné ce qu’il raconte: oui, on en trouve des détails, des scènes salées; mais avant tout: beaucoup de violence et de haine, pour un milieu qui a détruit une fille tombée là un peu par hasard.

Vu de l’intérieur
Anderson raconte ce qui l’a poussée à entrer dans l’industrie du X. Comme beaucoup d’entre nous, elle veut de la reconnaissance, et, pourquoi pas, de l’argent. Fille de commerçants, banlieusards, elle raconte la violence de sa famille ("À la maison, il suffisait que j’amène une mauvaise note pour que tout de suite les claques pleuvent"), rêve de célébrité, d’indépendance. Rafaëlla, tout juste 18 ans, répond à une petite annonce: "Agence de casting cherche personnes majeures pour tourner dans films. Débutants acceptés, annonce sérieuse." Effectivement, puisqu’il s’agit de faire, sérieusement, des photos pornographiques. Mais après une hésitation, un instinct peut-être, Raffaëlla se laisse tenter. Le hic, c’est qu’elle est vierge. Qu’importe, elle ira quand même.

"Retour à la maison. Contente d’avoir empoché 1 500 francs pour quelques heures de travail, je m’endors aux anges, en rêvant au Big Boss. Je suis amoureuse de lui: je n’ai qu’une hâte, le revoir vite."

Sa naïveté l’emportera. Puis, rapidement, la révolte. Car elle est loin d’encaisser sans juger ceux qui abusent d’elle et de sa confiance. Anderson raconte en détail, dans des scènes difficiles, crues, à l’image de la pornographie, les situations d’humiliation, de violence, d’abus. Qu’il s’agisse de faire ce qu’elle ne veut pas, ou d’observer comment ses semblables sont traitées. Ce qui la hante: le sida. "J’en parle autour de moi, je pose plein de questions: comment on sait si quelqu’un a le sida, nous on couche ensemble mais on ne sait pas si l’un de nous est malade (…) Je ne l’ai pas vu leur test. On ne m’a rien montré. De là, je comprends que dans ce milieu, personne ne te respecte."

La jeune femme ira pourtant à la rencontre d’elle-même, mais, malheureusement, dans un monde hostile. Entre la promiscuité sexuelle et la peur du sida, Anderson subit également un viol à 19 ans. Elle porte plainte, et, bien sûr, se révolte encore.

Anderson raconte comment, peu à peu, elle pose ses limites, et refuse le malheur pour elle comme pour les autres. Elle évoque par exemple la situation des Hongroises ou des Tchèques, qui débarquent en France, sans le sou et qui sont obligées de travailler pour payer un proxénète. "Tu récoltes une fille en larmes, qui pisse le sang à cause des lésions (…). Après la scène qu’elles n’ont pas le droit d’interrompre, et de toute manière personne ne les écoute, les filles ont deux heures pour se reposer. (…) Le réalisateur et le producteur encouragent ces pratiques. Pas par sadisme, mais parce que le spectateur le réclame. Avant d’accuser le milieu du X, accusons le marché qui demande d’aller toujours plus loin dans le sexe."

Le hic, c’est qu’ils trouvent toujours.

Écrit avec colère, dans une langue crue, voire vulgaire, ce livre se lit d’un trait, et provoque. On s’indigne avec l’auteure, et on lui en veut aussi, parfois – et pas uniquement à cause de son emploi de l’anglais, qui finit par insupporter…

Anderson n’évoque pas l’affaire Baise-moi, épisode qui arrivera à la fin de son parcours. Peut-être en parlera-t-elle dans un prochain livre.

Hard
de Rafaëlla Anderson
Éd. Grasset, 2001, 266 p.

Hard
Hard
Rafaëlla Anderson