Venin : Saneh Sanksuk
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Venin : Saneh Sanksuk

Magnifiquement écrit et traduit par Marcel Barang, Venin est une chaude invitation à découvrir l’oeuvre de Saneh Sangsuk, mais aussi la littérature thaïe contemporaine.

Quelque part dans la campagne thaïlandaise, au crépuscule, un garçon de 10 ans contemplait les nuages pendant que les huit vaches dont il assurait la garde broutaient tranquillement. Ces vaches, le garçon les avait baptisées de noms soigneusement choisis.

Ainsi, quand il les appelait, l’Opale et l’Émeraude, l’Argent et l’Or, la Plaine et la Rivière, la Jungle et la Montagne, "ça sonnait comme une comptine, en plus".

Le garçon, lui, avait déjà eu un joli prénom, mais depuis qu’il s’était cassé le bras en tombant d’un palmier à sucre, tous les gens au village l’appelaient Patte Folle. "C’était parce que tout son bras droit était paralysé à partir de l’épaule et faisait angle avec son corps. Il ne pouvait pas plier le coude. Tous ses doigts étaient raides et inutilisables, tendus comme des bûchettes. (…) Mais son bras gauche était musclé et extrêmement puissant."

À cet enfant estropié, qui rêve de devenir un jour grand marionnettiste, Saneh Sanksuk, un auteur thaïlandais découvert par le traducteur Marcel Barang, a réservé un sort effroyable. Alors que le jeune garçon s’amuse au pied d’un grand tamarinier, il est attaqué par un cobra géant. "Son corps était gros comme la cuisse d’un homme mûr. Son dos était d’un noir d’encre, son ventre blanc strié de gris."

L’enfant n’a aucune chance. Mais il réussit à saisir le cobra à la gorge de son seul bras valide, de tenir ainsi à faible distance ses crocs chargés de venin mortel et, miraculeusement, à se remettre debout, et à marcher, péniblement, le corps du cobra géant broyant le sien, sa tête à quelques centimètres de la sienne. Le premier qui faiblira mourra.

C’est un suspense terrifiant, mais absolument fascinant, qu’a imaginé l’auteur de l’Ombre blanche, ce récit autobiographique paru au début de l’année. Un conte cruel et lucide où le bien et le mal sont entrelacés en une étreinte mortelle, où il n’y a pas de bonnes fées, où la foi ne déplace pas les montagnes et où les prières des petits enfants ne sont pas exaucées.

Magnifiquement écrit et traduit (Marcel Barang a d’ailleurs un site Internet: www.progression.co.uk/thai où vous pouvez lire de longs extraits des romans de Sangsuk et d’autres auteurs thaïlandais), Venin est une chaude invitation à découvrir l’oeuvre de Saneh Sangsuk, mais aussi la littérature thaïe contemporaine.

Éd. du Seuil, 2001, 74 p.

Venin
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Saneh Sanksuk