Fictions de l'anarchisme : Uri Eisenzweig
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Fictions de l’anarchisme : Uri Eisenzweig

Fictions de l’anarchisme , d’Uri Eisenzweig, avance une hypothèse fort intéressante. Au cours de la dernière décennie du XIXe siècle, la vie politique et culturelle européenne a été secouée par une vague d’attentats anarchistes.

Fictions de l’anarchisme

, d’Uri Eisenzweig, avance une hypothèse fort intéressante. Au cours de la dernière décennie du XIXe siècle, la vie politique et culturelle européenne a été secouée par une vague d’attentats anarchistes. Ces événements ont introduit dans l’opinion publique le personnage de "l’anarchiste-poseur-de-bombes", qui a fasciné les foules et effrayé les bien-pensants. Fictions de l’anarchisme se propose de démontrer que cet "anarchiste-poseur-de-bombes était voué à se scinder pour mieux s’incarner dans le couple de personnages […] qui allaient dominer un grand pan de la culture politique du XXe siècle, européen en particulier: le terroriste et l’intellectuel".

Uri Eisenzweig part d’un ensemble de coïncidences. Plusieurs grandes revues intellectuelles françaises, comme Le Mercure de France, ont été fondées aux environs de 1890, à la même époque qu’avait lieu la vague d’attentats. Le symbolisme, le principal mouvement artistique du temps, mettait implicitement de l’avant un même mot d’ordre que celui dont se réclamaient les anarchistes: "révolte et marginalité". Les artistes fin-de-siècle préconisaient l’art pour l’art; les anarchistes posaient des gestes gratuits: faisaient sauter des bombes pour la beauté tragique du geste! Et c’est autour de 1890 qu’on invente en France, dans la foulée de l’affaire Dreyfus, le concept d’intellectuel!

Évidemment, ces coïncidences ne suffisent pas à prouver l’existence d’un lien entre le terroriste et l’intellectuel. Fictions de l’anarchisme l’établit au fil d’une longue et savante démonstration. Eisenzweig analyse en détail les écrits de Bakounine, de Proudhon, de Marx, ainsi que les représentations de personnages anarchistes et d’actes terroristes dans la littérature de l’époque. Et il parvient effectivement à établir une corrélation: l’intellectuel est celui qui cherche à ce que ses paroles soient des actions, à "agir, en parlant"; tandis que le terroriste est partisan de la "propagande par le fait": il veut que ses agissements soient "parlants".

Bien intéressant tout ça, sauf que Fictions de l’anarchisme prend plus de 300 pages bien tassées d’explications laborieuses pour nous en convaincre. Et nous revient alors à l’esprit la maxime de Nietzsche (lui-même une des principales figures de cette fin de XIXe siècle): "Ce qui a besoin d’être prouvé ne vaut pas grand-chose"…

Éd. Christian Bourgois, 2001, 358 p.

Fictions de l'anarchisme
Fictions de l’anarchisme
Uri Eisenzweig