Rêves éveillés : Janou Saint-Denis
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Rêves éveillés : Janou Saint-Denis

Peu avant de mourir, en mai 2000, Janou Saint-Denis avait eu le temps de rassembler les morceaux épars constituant son dernier recueil. Ouvre posthume, Rêves éveillés a d’ailleurs une portée testamentaire.

Peu avant de mourir, en mai 2000, Janou Saint-Denis avait eu le temps de rassembler les morceaux épars constituant son dernier recueil. Ouvre posthume, Rêves éveillés a d’ailleurs une portée testamentaire. Nouvelles, poèmes (textes anciens et inédits s’y côtoient), prose (hommages, lettres, chansons) et encres couleur composent ce livre à part, le dixième de l’auteure. Un livre hors norme, éclectique, éclaté, passionné, tout comme elle.

La vie de Janou Saint-Denis, née en 1930, fut ainsi, éclectique, mais toujours orientée vers la parole et la nécessité de sa transmission. Ce à quoi elle a infiniment contribué, à travers ses activités théâtrales (elle a mis en scène et joué plusieurs pièces, dont Le P’tit Bonheur de Félix Leclerc), les émissions de radio et de télévision auxquelles elle a collaboré, la création de nombreux événements favorisant la diffusion de la poésie, dont Place aux poètes, fondé en 1975.

Les présents textes transpirent ce formidable appétit de vivre qui, jusqu’à la fin, anima Janou Saint-Denis. On est tantôt charmé, tantôt ébranlé par les mots de cette anarchiste affirmée, dont l’anarchie traduit avant tout les préoccupations sociales et humanistes, dans le texte Pour la paix, par exemple: "Connue et reconnue / femme vacarme / femme tempête / violente et ferme / violemment en amour avec la vie / violemment en amour avec chacune et chacun de vous / je suis une anarchiste de la paix".

Les neuf nouvelles, où fantaisie, érotisme et poésie font un étonnant ménage, désarçonnent et séduisent. L’auteure y projette des situations et des sentiments de la vie quotidienne dans un décor singulier, un lieu d’émotion où les dialogues mènent les personnages, torturés par des amours improbables, à mettre leur coeur à nu.

Rêves éveillés a aussi une valeur autobiographique, Janou Saint-Denis y relatant, par exemple, dans des poèmes souvent datés, des bribes de sa vie parisienne, elle qui a vécu et travaillé 10 ans à Paris, animant des soirées de poésie dans les quartiers Montparnasse et Saint-Germain-des-Prés.

Quelques hommages poétiques ponctuent également le recueil, hommages, entre autres, à Gilbert Langevin et à Claude Gauvreau, à qui elle a aussi consacré un essai en 1978 (Claude Gauvreau, Le Cygne).

On parcourt donc Rêves éveillés par intérêt littéraire et goût de l’étonnement poétique, mais aussi avec l’émotion d’avoir entre les mains le dernier témoignage d’une des grandes animatrices de notre paysage culturel.

Éd. Novar, 2001, 210 p.