Gazole : Panne d'essence
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Gazole : Panne d’essence

Gazole , second roman de Bertrand Gervais, se déroule dans le milieu de la musique alternative, et évoque le thème du suicide. Un imaginaire riche, mais un roman peu  convaincant.

Bertrand Gervais

est l’auteur d’un très beau roman, Oslo, paru il y a deux ans, et qui racontait, entre autres, la vie d’un jeune homme en quête du père perdu. Son héros était bien mal en point, puisqu’il était malade, et devait se rendre à l’hôpital régulièrement pour y subir ses dialyses.

Dans Gazole, ce n’est pas la maladie qui sert de point d’appui à l’histoire, mais le suicide. Celui de Lancelot, jeune parolier d’un groupe de rock, Le Livre des morts, trouvé pendu dans son studio, en pleine érection.

Cela fait son effet sur la fille du groupe, Gazole, claviériste et choriste, qui cherchera tout au long du roman les raisons de ce suicide. Et sur Pyramide, jeune chanteur, et compagnon de Gazole. Déjà, rien qu’avec le prénom de chaque personnage (et le nom du groupe), on sait pas mal de choses sur ce petit monde: les codes font loi – mais l’auteur aura la délicatesse de nous expliquer l’origine de ces étranges surnoms.

Le Lvre des morts donne des spectacles au bar Sales Guenilles, où sévissent Bret et Stan, deux Hells déguisés en hommes d’affaires américains. Ils embarqueront le gérant du groupe, Retors, dans un mauvais plan, ce qui aura pour effet de mettre en danger le concert-hommage que veulent rendre ses amis à Lance. Leur pari: jouer toute la nuit, sans arrêt, jusqu’à ce qu’il ne reste plus personne dans la salle.

Entre la musique et le crime auquel participe Retors (par le biais d’un site porno qui l’aide à financer son départ prochain de la maison paternelle), Gazole tente de déchiffrer le manuscrit de Lance qu’elle a retrouvé, ou du moins d’y trouver des indices sur sa mort. " L’Homme-Crapaud, Gazole sourit chaque fois qu’elle retrouve ce nom. D’un texte à l’autre, les grands moments de l’existence du personnage sont repris, de ses origines à sa mort, puis à son improbable résurrection, renaissance refusée. (…) Qui peut aimer un crapaud, un être à peau lâche et verruqueuse, un corps difforme à tête large et brune qui ne parvient qu’à coasser? Personne. Personne. Personne."

Pour en avoir le coeur net, Gazole finira par interroger le prof de littérature qui encourageait Lance à continuer, à s’épanouir dans l’écriture. Elle rencontrera aussi toutes les filles qu’a connues son ami afin de trouver laquelle était à l’autre bout du fil (qui n’a pas voulu se nommer) le jour où elles découvraient le cadavre. Dans son investigation, elle croise Daphné, étrange demoiselle qui trace le contour des mains de ceux qu’elle rencontre et tapisse de ses dessins sa salle de bain (qu’elle appelle sa " Salle de mains"); et puis, vous trouverez aussi entre les différentes parties du récit les illustrations de ces mains, en format typographique. Intrigant. Tout comme d’ailleurs ce site Web dont l’éditeur donne l’adresse sur le bandeau qui entoure le livre (www.lascif.com) et qui regroupe tous les éléments du roman, comme un complément à la lecture.

Bref, c’est un livre-monde que ce roman de Bertrand Gervais, plein de références, de renvois et d’originalité.

Trop peut-être. Beaucoup de directions, de récits parallèles confondent le lecteur et recouvrent l’histoire principale. On veut dire trop de choses, comme en témoignent cet aparté sur le MP3 qui permet aux internautes de télécharger de la musique, et ce, gratuitement. Gervais va jusqu’à évoquer le thème de la mondialisation, mais cela crée un effet d’éparpillement au lieu de nous garder sur la voie du récit.

Alors que l’écriture paraissait soignée dans Oslo, elle semble ici moins travaillée, plus "fonctionnelle". Restent de beaux personnages, qui méritaient plus d’ampleur, et, surtout, un imaginaire envoûtant. Malheureusement, cela n’est pas suffisant pour faire un bon roman.

Gazole, de Bertrand Gervais
Éd. X Y Z, 2001, 174 p.

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