La Belle Créole : Maryse Condé
Elle a une feuille de route plutôt garnie, et pourtant la grande dame de la littérature antillaise Maryse Condé est peu connue au Québec.
Elle a une feuille de route plutôt garnie, et pourtant la grande dame de la littérature antillaise Maryse Condé est peu connue au Québec. Née en Guadeloupe en 1937, elle a vécu en Afrique, puis s’est installée à Paris avec ses quatre enfants, quittant peu après la France diplôme en poche pour les États-Unis, où elle fondera en 1985 le Centre des études françaises et francophones de l’Université Columbia (où elle a encore sa chaire). Elle nous arrive aujourd’hui avec son quatorzième roman, parmi une oeuvre abondante qui compte également des pièces de théâtre, des nouvelles, des livres jeunesse, plusieurs anthologies de littérature antillaise, et nombre d’articles et d’essais traitant en particulier de l’identité culturelle. Impressionnant? Un peu. Mais l’est surtout l’essentiel, qui transpire en l’occurrence des pages de La Belle Créole, et qui vient départager les grands écrivains comme Maryse Condé des autres: la singularité d’une écriture mariant, dans son cas, le français et le créole, et conjuguant efficacité et poésie comme si leur cohabitation n’avait jamais fait autrement que d’aller de soi. La Belle Créole raconte tout en tranquilles allers et retours dans le temps l’histoire d’un jeune Noir dénommé Dieudonné, dont on apprend en début de roman qu’il vient d’être, un peu miraculeusement, acquitté du meurtre de la maîtresse blanche chez qui il était employé comme jardinier. Le mystère règne quasiment tout le long des récit sur les circonstances de la mort de Loraine, richissime alcoolique à qui Dieudonné aurait pourtant tout offert, eût-il encore possédé quelque chose de précieux dans cette ville de Port-Mahault agitée par les conflits raciaux et sociaux, et où ses seules joies appartiennent au passé. L’histoire que dévoile Maryse Condé ne sera pas compliquée. Faisant appel à divers personnages, évoluant aussi bien dans les tribunes de la politique que dans celles de la famille, et montrant des conflits de race autant que de sexe, La Belle Créole mettra peu à peu en scène une série de rendez-vous manqués avec l’amour. De la plus élémentaire affection d’un parent, à la plus louable dévotion d’un ami, et jusqu’à la brûlante passion amoureuse, tous les acteurs semblent devoir souffrir le manque. Il n’y a que le lecteur qui gagne. Haut la main.
Éd. Mercure de France, 2001, 253 p.