Beau-Ténébreux : Patrick Cothias et André Juillard
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Beau-Ténébreux : Patrick Cothias et André Juillard

Depuis Blueberry, série à succès créée par Jean-Michel Charlier et Jean Giraud en 1963, la bande dessinée française apparaît comme le deuxième médium en importance, après le cinéma américain, à représenter l’univers mythique du Far West.

Depuis Blueberry, série à succès créée par Jean-Michel Charlier et Jean Giraud en 1963, la bande dessinée française apparaît comme le deuxième médium en importance, après le cinéma américain, à représenter l’univers mythique du Far West. Et il n’y a qu’à jeter un coup d’oeil aux titres et aux couvertures de la rentrée, chez les grands éditeurs, pour se convaincre du fantasme tenace que représente chez nos cousins le personnage de l’Amérindien. De toutes ces oeuvres, où clichés éculés et nobles poncifs cohabitent, ressort Plume aux vents, série d’une grande beauté graphique et proposant des situations éloignées des lieux communs.

Plutôt que de se tourner vers l’Ouest américain, Patrick Cothias, spécialiste du Siècle classique, s’y intéresse aux tribus qui peuplaient la vallée du Saint-Laurent à l’époque de la Nouvelle-France et il y établit son éternelle héroïne, Ariane de Troïl, jeune et intrépide baronne de la saga des Sept Vies de l’épervier (également créée avec André Juillard). Dans La Folle et l’Assassin, qui ouvrait la série, Ariane, fuyant la haine de Gaston d’Orléans, faisait la rencontre du gouverneur Samuel de Champlain qui s’apprêtait à retourner à Québec et s’embarquait à ses côtés, décidée à retrouver son père émigré aux Amériques. Arrivée en Nouvelle-France dans L’Oiseau-Tonnerre, Ariane se trouvait captive des Onondagas, puis adoptée par une famille mohawk qui l’initiait à la vie et aux coutumes autochtones.

Dernier tome paru, Beau-Ténébreux tourne autour du personnage de Beau, frère adoptif mohawk d’Ariane, dont l’homosexualité ne fait l’objet d’aucun tabou, les Indiens respectant tous ceux qui sortaient de l’ordinaire, les croyant investis d’un pouvoir par une puissance supérieure. S’il faut souligner l’originalité dont fait preuve Cothias en abordant cette thématique, la fin du livre nuit à l’ensemble, anticipation du futur épisode et chute finale obligent… On y voit Ariane reprise et condamnée à mort par les Français, lesquels veulent s’en servir comme appât pour attirer Gabriel de Troïl à Québec et l’empêcher de diriger une coalition d’Iroquois.

Sérieusement documenté, le travail d’André Juillard, à la fois illustrateur et coloriste, est d’une justesse de détails remarquable tant en ce qui a trait aux paysages qu’à l’architecture et aux costumes des colons et des Indiens. Maître des corps, mais aussi des décors, il rend l’atmosphère des lieux les plus divers avec un bonheur toujours égal, délaissant les monuments architecturaux de France pour l’atmosphère feutrée des tipis, des feux de camp et de la forêt boréale avec ses nombreuses variétés de lumières. Une autre façon de voir "l’Amérique". Un plaisir pour les yeux.

Éd. Dargaud, 2001, 48 p.

Beau-Ténébreux
Beau-Ténébreux
Patrick Cothias / André Juillard