Le Fil de soie : Michèle Gazier
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Le Fil de soie : Michèle Gazier

C’est une histoire qui ressemble à un conte de fées. Celui d’Odile Délie, fille unique d’une humble couturière et d’un jardinier doué, véritable "cadeau du ciel" pour ce couple amoureux qui n’attendait plus d’enfants, et qui coulait des jours paisibles au château de M. de Ré chez qui ils avaient été "placés" dès l’enfance.

C’est une histoire qui ressemble à un conte de fées. Celui d’Odile Délie, fille unique d’une humble couturière et d’un jardinier doué, véritable "cadeau du ciel" pour ce couple amoureux qui n’attendait plus d’enfants, et qui coulait des jours paisibles au château de M. de Ré chez qui ils avaient été "placés" dès l’enfance.

C’est à croire qu’une marraine tout droit sortie des contes de Grimm s’est penchée au-dessus du berceau de ce bébé miraculeux, car très tôt on allait découvrir qu’Odile avait de réels doigts de fée, le génie des tissus, l’art du patron, le sens inné de la couleur. Et elle avait, surtout, parfaitement conscience de ses précieux dons. Et si personne ne s’en doutait encore, cette enfant sérieuse, cette beauté solitaire savait, elle, qu’elle allait être riche et célèbre avant longtemps.

Pour raconter le destin de cette héroïne imaginaire, cette femme secrète qui allait devenir un mythe autant qu’une énigme pour le milieu de la haute couture parisienne, l’auteure d’Un cercle de famille et du Merle bleu, critique à Télérama, a emprunté

la forme de l’enquête journalistique. Une investigation qui débute quelques années après la mort d’Odile, et qui remonte le fil du temps, patiemment, avec précaution, comme on déviderait une bobine de fil de soie. Celui qui mène l’affaire, et dont l’identité ne nous sera révélée qu’aux dernières lignes du roman, s’est promis que l’histoire d’Odile ne sombrerait pas dans l’oubli. Il a lu tous les articles que la presse avait écrits sur cette femme qu’il a un jour connue, a écouté les rumeurs les plus folles qui couraient à son sujet, et a voulu faire la lumière sur "la reine de la mode".

Il s’est donc rendu dans la vallée de la Juine où Odile a grandi, et s’est recueilli sur sa tombe, "juste une pierre grise et rugueuse, peut-être du granit, que la mousse commence à lécher de sa bave verte. Sur la pierre, un nom, Odile Délit, et huit chiffres: 1906-1992. Quelqu’un a raturé maladroitement le 2 pour le transformer en 0. Mais la pluie a presque effacé la peinture noire de la rature. Est-ce la même personne qui a déposé un petit pot de bruyère que le vent a renversé?"

C’est de là que partira son enquête. De ces terres où Odile a grandi, de ce château où ses parents ont été employés, et qu’elle a racheté quand la célébrité lui en a donné les moyens. Car c’est là qu’était enfoui le mystère de cette femme à la jeunesse éternelle. Cette star qui, dit-on, aurait eu plus d’une vie. Et qui aurait aimé un très jeune homme, "hors des normes et du temps", au point de lui en donner une…

Loin du réalisme rassurant du Merle bleu, ce roman d’amour sur fond d’histoire de la haute couture nous tient néanmoins sous son charme. Un charme qui vient à bout de nos résistances, et qui émane de l’écriture de Michèle Gazier, toute en couleurs, en chatoiements, en fines textures. Avec Le Fil de soie, l’auteure compose une variation sur le mythe de Narcisse, mais aussi un hymne à la jeunesse, à la beauté et à la sensualité.

Éd. Seuil, 2001, 251 p.

Le Fil de soie
Le Fil de soie
Michèle Gazier