La Citoyenneté multiculturelle : Une théorie libérale du droit des minorités
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La Citoyenneté multiculturelle : Une théorie libérale du droit des minorités

La réflexion sur "la Citoyenneté multiculturelle" que propose Will Kymlicka se présente ouvertement comme "Une théorie libérale du droit des minorités".

La réflexion sur "la Citoyenneté multiculturelle" que propose Will Kymlicka se présente ouvertement comme "Une théorie libérale du droit des minorités". C’est drôle, mais si un pauvre bozo de gauche osait mettre en couverture de ses élucubrations un sous-titre comme "Une théorie socialiste du droits des minorités" ou, pire encore, "Une théorie communiste…" de la chose, à peu près tout le monde jetterait aussitôt son bouquin à la poubelle…

Comme la plupart des publications des théoriciens du libéralisme, La Citoyenneté multiculturelle est un ouvrage qui se répand en belles grandes idées s’exprimant en deux petits mots: droits et libertés. Kymlicka s’y interroge sur les contradictions entre, d’une part, les libertés individuelles que toute société libérale digne de ce nom reconnaît aux membres des diverses minorités culturelles qui vivent en son sein; et, d’autre part, les droits collectifs dont ces mêmes minorités peuvent réclamer la reconnaissance.

Le problème est le suivant. Au nom des valeurs qui lui sont les plus chères, un État libéral ne peut, par exemple, interdire à quelqu’un de pratiquer la religion qui lui chante, ou de parler à la maison la langue qui lui plaît. Mais que doit faire ce même État lorsqu’une minorité devient assez nombreuse pour commencer à faire des pressions afin d’exiger le droit d’avoir le vendredi de congé, plutôt que le dimanche, pour vaquer en toute liberté à ses obligations religieuses? Ou lorsqu’une communauté désire que ses enfants apprennent à l’école une langue autre que celle qui est officiellement reconnue par l’État?

Kymlicka analyse le problème en long et en large. Et, au fil de la discussion, il avance quelques distinctions intéressantes. Comme celle ayant trait aux minorités nationales (les collectivités culturelles qui existent au sein d’une nation depuis l’époque de sa fondation: c’est le cas, par exemple, des Premières Nations dans l’ensemble des États d’Amérique) et les groupes ethniques (les minorités qui se sont constituées plus récemment, au fur et à mesure des mouvements d’immigration).

L’auteur discute également de la différence entre les revendications (louables, selon lui) qui ont pour finalité l’inclusion d’une minorité au sein de la société où elle vit, et celles (condamnables parce que… anti-libérales!) par le biais desquelles une minorité cherche à s’exclure de l’ensemble de la collectivité.

Comment rendre compatibles les droits des minorités avec ceux de la majorité? demande Kymlicka. Il répond en développant le concept plutôt nébuleux de "citoyenneté différenciée", qui se veut la concrétisation d’"une perspective libérale se fond[ant] sur la "liberté au sein" du groupe minoritaire et sur l’"égalité entre" les groupes minoritaires et majoritaires" – ou l’art de ménager la chèvre et le chou!

Curieusement, tout au long de sa très savantarde argumentation (ce qu’il en cite des auteurs, ce gars-là!), Kymlicka ne se penche nullement sur les problèmes économiques qui peuvent déterminer les revendications de certaines minorités. C’est vrai que, pour les tenants du libéralisme, capitalisme signifie par définition affirmation et respect des droits individuels. Ça peut être vrai pour les patrons; pour leurs employés, ça me semble l’être moins.

Le problème fondamental avec le projet intégrateur que propose La Citoyenneté multiculturelle tient au fait que Kymlicka postule que les idées libérales, c’est-à-dire les valeurs capitalistes occidentales, sont l’unique château fort des droits et libertés. Si l’on est d’accord avec ce point de vue, on se régalera de l’ouvrage; sinon, on le trouvera bien indigeste.

Éd. La Découverte / Éd. du Boréal, 2001, 335 p.

La Citoyenneté multiculturelle
La Citoyenneté multiculturelle
Will Kymlicka