Festival international de la poésie de Trois-Rivières : Microclimat
Chaque automne, depuis 17 ans, Trois-Rivières devient un lieu de rencontre pour des poètes de partout et un auditoire croissant d’amateurs de poésie. Au lendemain du 11 septembre, l’édition 2001 du Festival avait toutefois une saveur particulière.
Chaque automne, depuis 17 ans, Trois-Rivières devient un lieu de rencontre pour des poètes de partout et un auditoire croissant d’amateurs de poésie. Au lendemain du 11 septembre, l’édition 2001 du Festival avait toutefois une saveur particulière.
Cette année encore, pendant 10 jours, on aurait dit que le temps suspendait son vol au-dessus de Trois-Rivières. Du 28 septembre au 7 octobre, les bruits de la guerre s’estompaient pour que résonnent ceux du coeur; les frontières s’effaçaient pour que s’ouvrent les terres universelles de l’imaginaire. Venus des quatre coins de la francophonie, quelque 150 poètes avaient déposé leurs valises sous les toits rougissants de l’automne trifluvien.
Une expression résume bien la 17 édition du Festival de la poésie: franc succès. En effet, les 400 activités (expositions, récitals, apéros ou dîners-poésie…) ont attiré un public non seulement important, mais infiniment curieux. "J’ai participé à plusieurs lectures de poésie, mais ici, c’est différent, me dit Arash Mohtashami-Maali, poète d’origine iranienne vivant à Toronto depuis 1994. L’accueil est exceptionnel. J’ai lu souvent dans des bibliothèques ou des salles de classe, mais jamais dans des lieux où l’on se sente aussi à l’aise qu’au Zénob."
Le Zénob, un bar du centre-ville, c’est le quartier général. Quatre murs imprégnés des voix de milliers de poètes. En fin de soirée, alors que les activités se terminent dans les multiples lieux du Festival, tout le monde converge vers la petite scène désormais mythique où, jusqu’aux heures où tout devient possible, poètes connus ou moins connus viennent s’enivrer. S’enivrer de mots, bien sûr…
Parole tenue
Comme le veut la tradition, le Festival rendait hommage à certains poètes disparus. Cette année, lors de la Grande Soirée de la poésie du samedi 6 octobre, c’est la mémoire de Josée Yvon et Denis Vanier qui était célébrée. Un des moments forts.
L’événement était aussi l’occasion de quelques remises de prix. Ainsi, Roger Des Roches recevait le Grand Prix du Festival de la poésie, une distinction fort prisée, alors qu’Isabelle Forest remportait le prix Piché de poésie, décerné à un auteur n’ayant encore jamais publié chez un éditeur reconnu.
Avec son éventail d’activités rejoignant jeunes et moins jeunes, le Festival de Trois-Rivières a quelque chose d’un peu dingue, mais sa mécanique est réglée comme une montre suisse. Bernard Pozier, directeur littéraire aux Écrits des Forges et très actif dans l’organisation du Festival depuis les débuts, s’enorgueillit du travail accompli mais parle de l’importance, pour un événement arrivé à maturité, de maintenir le cap. "Le premier des défis, c’est d’entretenir cette réputation établie au fil des ans. Ça signifie ne rien laisser au hasard sur le plan de l’organisation. Le deuxième, c’est d’élargir les publics. Chaque année, on voit apparaître des publics nouveaux, grâce aux activités nouvelles que nous organisons. Nous marions la poésie avec les arts visuels, la musique, mais aussi les sports, le syndicalisme; nous mettons sur pied des ateliers d’écriture avec des groupes de l’âge d’or, des groupes religieux."
En effet, il n’y a pas que les initiés qui soient invités à livrer leurs mots. Prenez la Murale de poésie, sur laquelle chacun peut inscrire un poème de son cru. Là comme ailleurs, plusieurs vers faisaient écho, cette année, au conflit international qui se tramait. Rapprocher la poésie des gens de tous les milieux, de leurs préoccupations, tel est le souhait de Gaston Bellemare, fondateur et grand manitou de l’événement. "Au début, personne ne croyait que ça pouvait prendre autant d’ampleur, rappelle Bernard Pozier. On soupçonnait qu’il y aurait une réponse possible de la part du public, mais que la rencontre aurait un caractère expérimental. Aujourd’hui, une chose est certaine: il est faux de dire que les gens ne s’intéressent pas à la poésie. Le succès de notre formule, c’est que chacun y trouve son compte."
"Ici, le poète est bien reçu, très respecté; mais le spectateur aussi, renchérit mon ami Arash. La règle des trois minutes y est pour beaucoup, à mon avis (les poètes ne disposent que de trois minutes par séance de lecture). Les lectures ont du rythme, elles ne découragent pas l’attention. Même dans les restaurants, les gens arrêtent de manger durant les lectures."
Votre humble chroniqueur était poète invité à Trois-Rivières, lui aussi, et en revient le coeur un peu moins lourd, à nouveau convaincu que l’esprit humain est capable de grandes choses.