Nancy Kilpatrick : Le sang des autres
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Nancy Kilpatrick : Le sang des autres

Nancy Kilpatrick aime les vampires. Elle en a fait les héros de ses romans, et notamment de sa série Le Pouvoir du sang, qui paraît en français chez un éditeur québécois. Nous avons rencontré l’auteure à Montréal, où elle vit depuis plusieurs années.

Comme les vampires qu’elle décrit dans ses romans, Nancy Kilpatrick est une créature de la nuit. Elle avoue par ailleurs qu’elle n’aime pas beaucoup sortir et, par conséquent, se dit très heureuse que notre entrevue ait lieu dans ses quartiers du Plateau-Mont-Royal. L’écrivaine – qui a publié 14 romans, plus de 125 nouvelles, quatre scénarios de bandes dessinées, en plus de diriger huit anthologies et de publier sept livres sous le pseudonyme d’Amaranta Knight – voudrait se défendre d’être une Enfant de la nuit, comme le titre de son premier roman, lancé début octobre, qu’elle ne le pourrait pas.

D’une part, parce que les lieux qu’elle habite sont imprégnés de l’ambiance associée à la littérature gothique. Sur les murs bleu foncé se côtoient des crucifix de différentes tailles, des tableaux aux images fantomatiques et des chapelets, tandis que quelques fausses têtes de mort et des corbeaux empaillés contribuent à l’atmosphère lugubre de l’endroit. Impossible non plus d’ignorer le chat noir, dans ce cas-ci une charmante chatte bedonnante prénommée Bella, qui s’installe confortablement sur un banc noir placé sous la fenêtre après avoir inspecté mon sac. Régulièrement, au cours de ma conversation avec sa maîtresse, elle me fixera de ses jolis yeux verts insondables. Mais surtout, Nancy Kilpatrick est la première à se décrire comme étant une personne de style gothique. "Être gothique, c’est une attitude, un style de vie. Par exemple, presque toute ma vie, j’ai porté des vêtements noirs. Je me suis aussi toujours entourée d’un décor comme celui-ci, dit-elle en désignant les objets environnants. Je vivais ainsi avant le début du mouvement gothique, dans les années 80, et je continuerai de vivre ainsi quand il sera passé de mode, parce que c’est réellement ce que je suis", affirme l’écrivaine en riant.

Cela dit, malgré les vêtements noirs et l’ambiance ténébreuse de son appartement, Nancy Kilpatrick est une femme lumineuse qui transpire la joie de vivre. Pour s’en convaincre, il suffit d’entendre son rire et de voir ses yeux s’illuminer à l’évocation de son travail. C’est avec passion qu’elle parle de ses deux premières traductions aux éditions Alire: L’Enfant de la nuit et La Mort tout près, les premiers tomes de la tétralogie intitulée Le Pouvoir du sang.

Nouvelle ère
Celle qui a écrit son premier roman de vampires en 1975 (Bloodlover a finalement été lancé en 2000 chez Baskerville!) est très heureuse de voir le produit de ses efforts finalement disponible auprès des lecteurs francophones. "Jusqu’à présent, j’ai eu huit nouvelles de publiées en France, raconte-t-elle, mais c’est la première fois que mes romans sont offerts en français au Québec. Pour faire une histoire courte, disons qu’à trois reprises, des éditeurs français se sont montrés intéressés mais qu’en fin de compte, rien n’a jamais abouti de nos négociations. C’est pourquoi, quand j’ai entendu dire qu’Alire avait envie de me traduire, je n’ai pas hésité à les contacter moi-même." Elle poursuit en précisant que les versions françaises n’ont pas été réécrites et que les quatre romans seront lancés dans le même ordre de parution qu’en Angleterre: L’Enfant de la nuit, en réalité le second tome de la série Le Pouvoir du sang, devient donc chez nous le premier. Une stratégie qui semble fort logique à la suite de la lecture des deux premiers tomes, dont le second sortira en novembre. Comme tous les écrivains, dit Kilpatrick, elle tente d’écrire des histoires plutôt intemporelles, afin que les livres vivent plus longtemps. "Quand on pense qu’un roman est généralement publié deux ans après avoir été écrit, on se doit d’agir ainsi si l’on veut que notre histoire demeure moderne", précise l’auteure.

Des vampires comme tout le monde
Kilpatrick, qui a commencé à écrire des histoires vers l’âge de 10 ans, affirme qu’elle a toujours préféré les films d’horreur. Le choix du vampire comme élément central de ses romans s’est fait naturellement, tout simplement, car le vampire représente selon elle une figure puissante et universelle. "Peu importent la langue, la culture, l’époque, tout le monde sait ce qu’est un vampire. Et, à la limite, tous ont, un jour ou l’autre, fait la rencontre d’une personne (un prédateur) qui draine toute leur énergie", assure-t-elle. Quant au choix de l’univers gothique, il allait de soi, puisque les vampires tels qu’on les imagine évoluent dans un monde à la fois mystérieux, violent, horrible et érotique. C’est ce qui explique, selon l’écrivaine, pourquoi la relation entre André et Carol, héros du roman, est aussi violente dans L’Enfant de la nuit.

Un des traits qui différencient les romans de Kilpatrick de la littérature gothique traditionnelle, c’est la modernité de ses récits. Qu’il s’agisse de L’Enfant de la nuit et de La Mort tout près, l’histoire se déroule à notre époque, plutôt qu’au 18e siècle, généralement associé au gothique; mais, plus qu’une affaire d’époque, c’est aussi une question de style d’écriture. Les récits de Kilpatrick sont actuels et ses vampires pourraient aussi bien vivre dans l’appartement voisin du nôtre, tellement il est facile de s’identifier à eux. C’est probablement pour cette raison que les romans de l’auteure représentent une bouffée d’air frais dans une tradition littéraire autrement devenue (victime de son succès?) prévisible au fil des années.

Sans nécessairement renouveler le genre de façon draconienne, Kilpatrick lui insuffle un regain de vie grâce à des histoires légères et remplies d’action.

L’auteure sera présente au 2001 World Fantasy Convention, qui se tiendra du 1er au 4 novembre à l’hôtel Delta de Montréal. Dans le cadre de cet événement, elle animera le 4 novembre une tournée des cimetières du mont Royal.

Info: www.2001worldfantasyconvention.com


L’Enfant de la nuit
Afin de soigner sa dépression, Susan quitte son ex et sa ville, Philadelphie. Elle part à Bordeaux pour changer d’air, et rencontre le ténébreux André. Après l’avoir harcelée et kidnappée à bord de sa chic limousine, il l’enferme dans un manoir au bord de la mer. Susan est accueillie par un clan, tous des vampires, qui lui témoignent de la sympathie, même si elle demeure le jouet d’André. Pour sauver sa vie, la jeune femme conclut un marché avec lui: elle deviendra son esclave sexuelle, mais il doit la libérer au bout de deux semaines. Évidemment, c’est sans compter sur le fait que Susan ne supporte pas de vivre dans la terreur. Elle essaiera à plusieurs reprises de fuir le manoir, mais chaque fois, André la rattrapera, et redoublera de violence, invoquant sa trahison. Roman jusque-là teinté de rose, le récit tourne alors au véritable cauchemar. Heureusement pour Susan, il y a les autres: mais qui sont ces étranges vampires qui éprouvent colère, chagrin, joie, et qui sont capables d’amitié? Que veulent-ils à cette femme mélancolique, qui ne croit plus en rien? Le roman traite de tous les thèmes chers au genre du roman gothique, parmi lesquels la solitude, la violence et la métamorphose. Kilpatrick préfère les symboles et les rituels à la morbidité, et l’amour à la haine, donnant un ton nouvelâgeux à son récit. Nous lirons la suite dans La Mort tout près, qui sortira dans quelques semaines. Éd. Alire, 2001, 365 p. (P. Navarro)

Sept romans de vampires à dévorer

Dracula, Bram Stoker
Le premier récit qui décrit le vampire tel qu’on le connaît aujourd’hui, et qui a inspiré des générations d’auteurs. Si vous ne devez en lire qu’un, c’est celui-là.

Entretien avec un vampire, Anne Rice
Un incontournable pour les amateurs de gothique. Un récit mystérieux et sensuel, qui met l’accent sur la psychologie des personnages plutôt que sur leur façon de s’alimenter en sang…

Salem, Stephen King
Une histoire d’épouvante digne du maître de l’horreur.

Les Fils des ténèbres, Dan Simmons
Un thriller scientifique qui nous change de l’histoire gothique habituelle: une scientifique croit avoir découvert un antidote au virus du sida en la personne d’un jeune vampire orphelin.

Je suis une légende, Richard Matheson
Mélange de S.F. et de thriller, le livre paru en 1954 est devenu un classique de la littérature vampirique. Il a été adapté pour le cinéma plutôt deux fois qu’une.

élégie pour un vampire, Sullivan Lord
Découvert par hasard sur Internet, le premier roman de ce Français surprend par son style classique, qui rappelle celui de l’une de ses grandes influences, Bram Stoker. Avant d’acheter, les deux premiers chapitres sont en ligne au: www.multimania.com/sullivanlord/