Le Principe d’humanité : Jean-Claude Guillebaud
Jean-Claude Guillebaud s’est fait une spécialité de penser à contre-courant des idées reçues. Après avoir dénoncé, dans La Trahison des Lumières, les utopies héritées des idéaux politiques du XVIIIe siècle, et, dans La Tyrannie des plaisirs, les chausse-trappes de la liberté sexuelle, il s’en prend cette fois aux pièges de la génétique.
Jean-Claude Guillebaud s’est fait une spécialité de penser à contre-courant des idées reçues. Après avoir dénoncé, dans La Trahison des Lumières, les utopies héritées des idéaux politiques du XVIIIe siècle, et, dans La Tyrannie des plaisirs, les chausse-trappes de la liberté sexuelle, il s’en prend cette fois aux pièges de la génétique.
Le Principe d’humanité s’interroge sur l’avenir que nous réserve le développement des sciences du vivant. Guillebaud présente un catalogue fort exhaustif des récentes découvertes qui permettront éventuellement de faire disparaître bon nombre des maladies qui minent nos existences. Et il met en lumière les problèmes éthiques posés par les applications de ces connaissances. Sur ce plan, les interrogations soulevées par l’ouvrage ne se distinguent guère de celles qui émaillent la plupart des documentaires qui occupent nos soirées quand il n’y a rien de mieux à la télé…
Là où Le Principe d’humanité devient fort intéressant, c’est lorsqu’il constate que "l’air du temps, si moderniste, charrie aussi des parfums d’autrefois. Il y a de l’archaïsme dans la postmodernité!" Guillebaud entreprend alors de nous démontrer, et cela d’une façon très convaincante, que lorsqu’il est "Abandonné à lui-même et appliqué à l’espèce humaine, le projet technoscientifique en vient à reconstituer des modes de domination, à justifier des renoncements moraux, à fonder un antihumanisme qui sont l’écho direct d’un passé reconnaissable": celui de l’horreur nazie.
Certains prétendent qu’il est difficile de prévoir vers où nous conduiront les nouvelles percées de la génétique. Selon Guillebaud, il suffit, pour le savoir, de se rappeler à quoi a pu conduire le nazisme. Après tout, comme les chercheurs contemporains, les nazis aussi voulaient seulement créer une race d’hommes et de femmes en meilleure santé que leurs ancêtres! L’argument est certes un peu gros, mais à force d’exemples et de comparaisons, Guillebaud parvient à nous faire admettre qu’il n’a peut-être pas tort.
"Rien n’est plus urgent, en vérité, que de déconstruire ce concept totalitaire de "normalité"", nous dit Le Principe d’humanité. La diversité est le caractère essentiel de l’humanité, ce que risquent de nous faire perdre les diagnostics de malformations d’embryons.
Le parti pris multidisciplinaire de l’ouvrage lui donne par longs moments les allures d’un fouillis. Mais c’est peut-être la seule façon de rendre compte de la complexité et de l’envergure des problèmes posés par les développements de la génétique moderne.
Éd. du Seuil, 2001, 383 p.