J'ai épousé un communiste : Philip Roth
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J’ai épousé un communiste : Philip Roth

Depuis quelques années, les écrits de Philip Roth mettent en scène un même narrateur: Nathan Zuckerman, un écrivain qui a vécu son adolescence aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale dans les quartiers populaires et immigrants de Newark (non loin de New York, dans le New Jersey).

Depuis quelques années, les écrits de Philip Roth mettent en scène un même narrateur: Nathan Zuckerman, un écrivain qui a vécu son adolescence aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale dans les quartiers populaires et immigrants de Newark (non loin de New York, dans le New Jersey).

J’ai épousé un communiste nous plonge cette fois dans la tourmente maccarthyste des années 50: une époque malgré tout formidable, parce qu’on ne pouvait faire autrement que "s’immerg[er] dans l’Histoire et elle s’immergeait en vous. On s’immergeait dans l’Amérique et l’Amérique s’immergeait en vous. Et pour que tout cela se réalise, il suffisait d’avoir 12 ans en 1945, de vivre dans le New Jersey et d’écouter la radio. À une époque où la culture populaire, n’ayant pas encore rompu avec le 18e siècle, faisait encore des effets de langue, il y avait là quelque chose de vertigineux".

Le roman raconte les relations que le jeune Nathan entretient alors avec Ira Ringold, un comédien communiste, et Murray Ringold, le frère de ce dernier, qui enseigne à l’école de Zuckerman: "[…] deux costauds bien dans leur peau, qui respiraient la virilité vigoureuse et intelligente à laquelle j’aspirais. Ces hommes, qui savaient parler de base-ball et de boxe, parlaient de livres. Et ils en parlaient comme s’il y avait des enjeux dans un livre. Pas pour ouvrir le livre et l’encenser, ou être élevé par sa lecture, ni se couper du monde. Non, eux, ils boxaient avec le livre."

Le titre du livre reprend celui qu’écrira l’épouse d’Ira, une ancienne star du cinéma qui profitera de la psychose anticommuniste pour faire de leur divorce un acte d’héroïsme patriotique.

Mais au-delà de sa trame anecdotique, J’ai épousé un communiste est avant tout le roman d’un idéal culturel. Roth y témoigne nostalgiquement d’un moment de l’histoire des États-Unis où un certain nombre de membres de l’élite intellectuelle avaient les deux pieds sur terre; où artistes et professeurs se souciaient autant des questions d’esthétique que des problèmes syndicaux; où les ouvriers se battaient certes pour obtenir de meilleurs salaires, mais aussi afin de mettre sur pied des bibliothèques…

J’ai épousé un communiste nous plonge dans un monde où beaucoup de gens se préoccupaient d’autres choses que de ce qui les concernait directement. Et si Sartre a raison de définir l’intellectuel comme "quelqu’un qui se mêle de ce qui ne le regarde pas", alors, dans les États-Unis des années 50, tout le monde était un intellectuel! Telle était peut-être, en fin de compte, la véritable menace communiste que se sont efforcés d’éradiquer le gouvernement et les patrons.

Avec ce roman, Philip Roth se souvient d’un épisode de l’histoire où seuls les salauds n’ont pas été tentés d’épouser la cause communiste. Éd. Gallimard, coll. Du monde entier, 2001, 405 p.