Le Minuscule Mousquetaire : Joann Sfar
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Le Minuscule Mousquetaire : Joann Sfar

L’Académie des Beaux-Arts (Le Minuscule Mousquetaire, volume 1) de Joann Sfar

Bédéiste prolifique, Joann Sfar est l’auteur de l’étonnant Professeur Bell, dont nous avons parlé dans ces pages, et le cocréateur de plusieurs séries de qualité apparues ces dernières années, telles que Donjon (avec Lewis Trondheim), La Ville des mauvais rêves (avec David B.), Sardine de l’espace et Les Olives noires (avec Emmanuel Guibert). Malgré son titre à l’assonance malheureuse, Le Minuscule Mousquetaire, sa nouvelle oeuvre solo, semble promis à une belle carrière, avec une histoire totalement loufoque qui rappelle vaguement les albums de Fred.

Un mousquetaire avec quelques kilos en trop avale une potion amaigrissante dans l’espoir de reconquérir sa femme, et se trouve réduit à la grosseur d’un bouchon de liège. Pénétrant dans une salière, comme Alice dans le trou de la serrure, il accède au "Monde minuscule" et part à la recherche de l’antidote qui lui fera reprendre sa taille normale. Dans cet autre univers, il retrouve la France du XVIIe siècle, mais une France sans guerre, dont la capitale n’est pas Paris, et qui est gouvernée par une reine. Il y fait la connaissance d’une femme médecin qui travaille à la cour et qui, après l’avoir pris comme amant, lui suggère de poser nu pour les étudiantes de l’Académie des Beaux-Arts où l’on manque de modèles masculins.

S’il est d’abord atteint dans sa dignité de militaire dans la force de l’âge, sa nouvelle occupation et la rencontre de ravissantes femmes, que ses bourrelets ne dérangent pas, font peu à peu oublier au minuscule mousquetaire ses nouvelles dimensions, voire son monde d’origine. C’est que l’intrépide guerrier vivant désormais de ses charmes, entre son amante médecin, l’autoritaire prof de dessin, la châtelaine de Moncoucut et la nourrice dont il s’est fait une amie, expérimente une sorte de bienfaisante insouciance, dans cette société matriarcale où les hommes sont relégués au second plan.

Le narration lyrique du héros s’accorde avec l’hédonisme de cette nouvelle vie, comme dans cet extrait de la dernière planche qui nous prépare également à un futur épisode (La Philosophie dans la baignoire): "Je ne travaillais pas tous les jours, et jamais toute la journée. Alors je faisais des commissions, de la cuisine, du rangement. Je me baladais dans les rues de la capitale. Et parfois, je ne faisais rien. Je prenais des bains, et le premier livre touche à sa fin. Dans le prochain, je vous raconterai un bain herméneutique. Il y aura de vieux centaures grecs, de l’eau et un sommeil lourd de sens, car il ne faut pas s’assoupir dans certaines baignoires."

Une verve tout ce qu’il y a de plus Sfar, laquelle est jointe au trait élégant, à la calligraphie volontairement enfantine et aux couleurs splendides de l’auteur. Éd. Dargaud, coll. "Poisson Pilote", 2001, 48 p.