L’ennui est une femme à barbe : Noir c’est noir
Mettons les choses au clair: je suis une fan de François Barcelo, je le lis depuis Nulle part au Texas (Libre Expression, 1989); j’adore son sens de l’humour, son style impertinent, ses histoires rocambolesques, sa maîtrise de la langue.
Mettons les choses au clair: je suis une fan de François Barcelo, je le lis depuis Nulle part au Texas (Libre Expression, 1989); j’adore son sens de l’humour, son style impertinent, ses histoires rocambolesques, sa maîtrise de la langue. Depuis son incursion dans le polar avec Cadavres, "le premier Québécois publié dans la Série Noire" s’est fait de nouveaux complices de l’autre côté de l’océan. Il publie à un rythme fou, les romans succédant aux nouvelles et livres jeunesse, il suffit de jeter un coup d’oeil au site Internet, qu’il tient méticuleusement à jour (allez-y, on s’y amuse bien: www.aei.ca/~barcelof), pour avoir une idée de l’abondance de sa production. Malheureusement… avec L’ennui est une femme à barbe, quatrième de ses livres à paraître dans la célèbre collection dirigée par Patrick Raynal, Barcelo montre d’inquiétants signes d’essoufflement.
Tout commençait pourtant bien. Jocelyn Quévillon, une espèce d’Alexandre le bienheureux attardé vivant aux crochets de sa mère à Saint-Gérard-de-Mainville, se voit obligé d’épouser Éliane, une grosse fille autoritaire et passablement cinglée. Or, coup de chance? (Jocelyn lui-même ne le sait pas, son coeur balance interminablement entre un semblant d’affection et la haine), juste avant que les futurs mariés prononcent leurs voeux, un homme surgit dans l’église et tire sur le curé. Convaincu que le tueur en voulait à l’un d’eux, le couple se réfugie à Niagara Falls, dans un motel où Éliane tiendra Jocelyn captif, tout nu (elle a jeté ses vêtements), à sa merci. Une situation dont on peut imaginer les rebondissements comiques. Malheureusement, le bavardage du narrateur, aussi drôle soit-il, les péripéties, aussi loufoques soient-elles, n’arrivent pas à couvrir l’extrême maigreur de l’intrigue. L’histoire, qui n’a du polar que le cadavre d’usage, ne tient tout simplement pas debout. Elle avance en zigzaguant, comme un individu saoul, deux pas en avant, un pas en arrière, pour finir par tomber à plat. Et que dire de la fin? Est-ce parce que l’auteur s’est rendu compte qu’il n’offrait vraiment pas grand-chose à son lecteur qu’il s’est senti obligé de lui suggérer (fortement) une grille de lecture franchement simpliste? La déception est aussi grande que l’étaient les attentes. Espérons seulement que le prochain polar en sera un.
L’ennui est une femme à barbe
de François Barcelo
Gallimard, Série Noire
2001, 244 pages