L’Examen / Journal d’Andrés Fava : Julio Cortázar
Quelque temps avant sa mort, en 1984, à l’âge de 70 ans, Julio Cortázar a décidé d’enfin faire paraître les deux premiers livres qu’il ait menés à terme: L’Examen et le Journal d’Andrés Fava, des ouvrages rédigés en 1950, alors que l’auteur venait d’avoir 35 ans, mais qu’il n’avait pas voulu publier alors.
Quelque temps avant sa mort, en 1984, à l’âge de 70 ans, Julio Cortázar a décidé d’enfin faire paraître les deux premiers livres qu’il ait menés à terme: L’Examen et le Journal d’Andrés Fava, des ouvrages rédigés en 1950, alors que l’auteur venait d’avoir 35 ans, mais qu’il n’avait pas voulu publier alors. L’écrivain a donc attendu d’avoir une deuxième fois 35 ans avant de rendre publics ces récits de jeunesse.
Il faut lire L’Examen de pair avec le Journal d’Andrés Fava. Respectivement (et admirablement!) traduits par Claude Masson et Françoise Rosset, ces deux textes n’en font qu’un: Fava est l’un des personnages de L’Examen, et son Journal fait écho aux événements qui se déroulent dans l’autre livre.
L’Examen raconte une nuit et une journée de déambulations dans Buenos Aires, au cours desquelles un groupe de jeunes hommes et de jeunes femmes ne font en fin de compte rien d’autre que vivre ce que Fava décrit dans son Journal comme "de brûlantes insignifiances": on discute, on boit, on rediscute, on reboit… Certains de ces personnages sont inquiets parce qu’ils sont à la veille de passer leur examen d’études final; d’autres le sont tout autant de constater qu’ils se sont déjà plus ou moins fait une petite place dans le train-train de l’existence.
Ils ne cessent tous d’être hantés par la même question: comment se fait-il que l’art ne change finalement pas grand-chose à la vie? Comment se fait-il que "le soleil se lèvera à six heures vingt et une, bien que Picasso peigne Guernica, même si Paul Éluard compose Capitale de la douleur"? À quoi peuvent bien être utiles les livres, la musique, la peinture, puisqu’ils ne servent qu’à "montrer le plus secret […] des soupçons que peut avoir un homme: celui de son inutilité intrinsèque, inhérente"?
Des "morves mentales" que tout ça! s’exclame Andrés Fava dès la première ligne de son Journal: de la "gelée autocompatissante dont", reconnaît-il, il "adore [se] nourrir"! Et ça balade ces angoisses existentielles de jeunes intellectuels désabusés dans une Buenos Aires sur laquelle tombe un brouillard qui, d’heure en heure, devient de plus en plus opaque et oppressant: métaphore, bien sûr, de la dictature de Perón qui, au tournant des années 50, s’infiltrait en douce jusque dans les moindres recoins de la société argentine…
L’Examen et le Journal d’Andrés Fava ne sont certes pas des textes aussi réussis que ceux que l’écrivain écrira à leur suite. Tous les ingrédients de ses livres futurs y sont, mais pour ceux et celles qui ne connaissent pas l’oeuvre de Julio Cortázar, L’Examen et le Journal d’Andrés Fava ne sont certainement pas la meilleure porte d’entrée (il faut l’aborder par le biais de ses contes, surtout ceux publiés en français sous le titre Les Armes secrètes). De toute façon, en s’arrangeant pour faire figurer ses premiers livres au terme de la liste de ses oeuvres, c’est sa sortie que Cortázar cherchait à réussir: en finissant par montrer des débuts prometteurs!
Éd. Denoël et d’ailleurs, 2001