Métissages, de Arcimboldo à Zombi : François Laplantine et Alexis Nouss
Le métissage est un processus qui n’aboutit pas: "ce qui est caractéristique des formes du métissage, c’est leur inachèvement". C’est sur les pas de ces transformations sans fin que nous guide Métissages, de François Laplantine et Alexis Nouss.
Le métissage est un processus qui n’aboutit pas: "ce qui est caractéristique des formes du métissage, c’est leur inachèvement". C’est sur les pas de ces transformations sans fin que nous guide Métissages, de François Laplantine et Alexis Nouss.
Les 600 et quelques pages bien tassées de l’ouvrage se présentent sous la forme d’un dictionnaire. Au fil des entrées, on discute d’oeuvres et de formes d’expression artistique (le tango, la samba et le jazz, par exemple) dans lesquelles se manifestent divers processus de métissages. On croise aussi de costauds articles faisant le point sur un ensemble de concepts permettant de rendre compte des multiples facettes de cette "pensée composée et composite". La plupart des textes sont de Laplantine ou de Nouss, mais on y retrouve également les apports de plus d’une vingtaine de collaborateurs, parmi lesquels on compte un certain nombre de Québécois.
Le métissage, insistent les auteurs, est autre chose qu’une simple manifestation de la diversité culturelle: il est un espace de diversion. Il n’est pas affaire d’identité double ou triple, mais d’identité trouble. Il n’est pas une forme d’être; il s’inscrit plutôt à l’enseigne d’un "peut-être [qui] est la marque d’un peu d’être". Revendiquer une multiplicité d’identités, se déclarer truc-québécois ou machin-canadien n’a rien à voir avec le métissage: "une double appartenance n’est qu’une appartenance redoublée". Le métissage est tout le contraire du multiculturalisme, cette sorte d’apartheid en douce que l’on peut définir comme un projet de "coexistence de groupes séparés et juxtaposés dans l’espace, résolument tournés vers leurs origines respectives et qu’il convient de protéger de la rencontre des autres". Le métissage n’est même pas un processus de fusion des identités et des cultures; il se situe au lieu de leur confusion. Il n’a rien à voir avec le respect des origines et des différences: il affirme que les origines sont indifférentes.
Peu importe d’où l’on vient; ce qui compte, c’est vers où l’on va: ainsi pourrait-on résumer tous les articles rassemblés dans Métissages. Ce livre est une bouffée d’air frais pour les idées, et il faut, pour l’apprécier, ne pas craindre de décoiffer ses petites certitudes. On sort de cet ouvrage en étant certes passablement désorienté, mais profondément convaincu que c’est la seule façon d’être sur la bonne route!
Éd. Pauvert, 2001, 634 p.