Rémy Simard : Monsieur le Président
Rémy Simard n’a pas chômé depuis les excellents strips qu’il réalisait dans Voir au milieu des années 80.
Rémy Simard
n’a pas chômé depuis les excellents strips qu’il réalisait dans Voir au milieu des années 80. Également illustrateur et auteur jeunesse, il a signé une abondante oeuvre BD, comprenant l’inoubliable Le père Noël a une crevaison (paru en 1994), et il a été le fondateur des éditions Kami-Case, spécialisées en bande dessinée, vendues il y a quelques années à Boréal qui en a fait une collection. C’est dans celle-ci que vient de paraître son plus récent album, Monsieur le Président, jolie fable sociale et politique aux résonances actuelles étonnantes.
Le président d’une république arrondit ses fins de mois en se transformant en clown, plus précisément en homme obus, semant ses gardes du corps pour se rendre au cirque, au grand désespoir de son conseiller politique. Ce personnage bonasse, élu par acclamation, a autrefois remis son pays sur la voie de la prospérité, ayant ouvert une chaîne de hamburgers durant une crise économique et nourri le peuple à petit prix.
Une fois la guerre déclarée par un pays étranger, le président est forcé de se concentrer sur les affaires de l’État et de constater que celui-ci va mal… C’est que le pays se détruit de l’intérieur. Les soldats meurent de crises cardiaques avant même d’aller combattre, des avions tombent sans raison apparente, des tours s’écroulent, sans compter que la population entière souffre d’obésité…
Réalisé avant les attentats du 11 septembre, l’album de Simard semble étrangement visionnaire. Des catastrophes aériennes aux hamburgers parachutés sur un pays bombardé la veille, en passant par une scène où le président apprend la déclaration de guerre par l’entremise de son conseiller penché vers lui, le tout nous renvoie à une bien triste actualité. Loin de s’adresser uniquement aux enfants (premier public de Simard), Monsieur le Président se lit aussi comme une réflexion sur notre mal du siècle et comme une parodie de l’impérialisme américain.
Habituellement maître du noir et blanc, qui fait ressortir l’élégance de son dessin, réalisé par ordinateur, Simard s’exerce dans cet album à la couleur, avec un certain succès et une gamme de tons réduite. Une petite réserve: la typographie électronique étant un peu froide, le texte des bulles aurait eu avantage à être calligraphié. Cette méthode ne constitue-t-elle pas l’une des beautés de la bande dessinée, et qui la rend si vivante? Somme toute, Monsieur le Président est un fort bel album, drôle, à lire en famille, à l’exemple des sympathiques père et fils de son prologue. Kami-Case, 2001, 104 p.