Christian Mistral : Sylvia au bout du rouleau ivre
Christian Mistral occupe une drôle de place dans le coeur des lecteurs, d’où l’indifférence est vraisemblablement exclue. Ceux qui ne l’aiment pas n’ont pas loin à aller, dans la vie de l’auteur, pour se trouver moult raisons de le détester.
Christian Mistral
occupe une drôle de place dans le coeur des lecteurs, d’où l’indifférence est vraisemblablement exclue. Ceux qui ne l’aiment pas n’ont pas loin à aller, dans la vie de l’auteur, pour se trouver moult raisons de le détester. Tandis que ceux qui l’aiment pointent du doigt son écriture, l’air de s’excuser presque. Qu’on l’aime ou non, il faut admettre que tout ce que donne cet écrivain nous rapproche douloureusement de l’humain. Et même si c’est toujours de lui qu’il s’agit, dans les trois titres de Vortex Violet comme dans cette novella récemment publiée qui porte le beau titre de Sylvia au bout du rouleau ivre (après une première version parue dans la revue Stop en 1988), cela n’a guère d’importance. C’est l’écriture en tant que miroir de l’âme, ni plus ni moins, que ce Mistral pratique avec génie. "Regardez le petit homme laborieusement tricoter sa route au point d’interrogation; tricoter serré, tricoter lâche, dans l’insoutenable attente du jour où la plus faible maille rompra", nous commande l’écrivain, à la fois piteux et frondeur. Et l’on se rend sans mal à notre rôle de voyeur, pour suivre les tristes exploits de fildefériste de Max Cockrel: un Québécois émigré à Manhattan, où il mange des macaronis Kraft et – ayant conclu qu’aucun éditeur ne prendrait jamais ses romans et ses poèmes – gagne sa vie à pondre pour des magazines "des articles sur les bibliothèques municipales en Alaska ou la culture du ver de terre au Wisconsin".
À part ça, eh bien Max boit. Tout le temps. Il ment. Il fait des choses comme pisser sa caisse de 24 sur un char de flics, draguer les filles avec un mépris directement proportionnel à ses érections, et autres conneries qui lui prennent tellement de temps, en l’occurrence, qu’il arrive à Montréal trop tard pour assister aux funérailles de son père. Mais son inconscience n’est pas sans moments de clarté. "Ta candeur est inouïe. Regarde-toi défoncer ta vie comme on fauche une fleur, d’un coup de pied, te demandant l’instant d’après pourquoi diable tu as fait ça." Force est d’admettre qu’il a quelques raisons d’être tout croche. Un père dont l’importance se résume ici au fait qu’il vient de mourir. Une mère inexistante. Et une tante qui eût mieux fait de ne pas prendre la relève maternelle, l’inceste n’étant pas la meilleure façon d’aider un ado alcoolique…
Et cette Sylvia? C’est la femme qui l’a aimé, épousé, qui en a divorcé, après lui avoir donné un enfant dont il ne voulait pas. La femme adorée. Mais puisque Max Cockrel est un dragon qui brûle tout sur son passage… Encore heureux que Mistral le suive à la trace. XYZ éditeur, 2001, 110 p.