Poésie pour la jeunesse : Le vert paradis
Ils sont beaux les adolescents, les punks flamboyants comme les "bolés" timides, les montreurs de nombril comme les prudes, terrorisés mais habités par un rêve, au moins un, tous autant qu’ils sont.
Ils sont beaux les adolescents, les punks flamboyants comme les "bolés" timides, les montreurs de nombril comme les prudes, terrorisés mais habités par un rêve, au moins un, tous autant qu’ils sont.
Les écrivains et les écrivaines parlent sans doute toujours un peu leur langage. Et en voilà trois – et non des moindres -, Élise Turcotte, Rachel Leclerc et Louise Dupré, qui ont pondu pour la nouvelle collection de poésie destinée aux ados, à La courte échelle, chacune un long poème plein des terreurs et des espoirs de l’âge tourmenté.
"Et c’est ainsi que j’avance / faisant un pas / puis un autre encore / à la rencontre du temps / avec le courage de mille guerriers / dans la poussière / dans l’inconnu / tenant ma peur d’une main / et ma soif de l’autre", écrit Rachel Leclerc dans L’Ourse, un texte qui parle un peu plus résolument de l’adolescence des filles: ces émotions incompréhensibles, ce sentiment de n’être pas tout à fait là, et puis ce sang, le sang qui est venu, "inattendu ça courait fou / comme une araignée sur ma cuisse". On rapporterait bien chaque page tant tout l’ensemble sonne juste.
Il en va ainsi de l’ouvrage de Louise Dupré, Les Mots secrets, un voyage au coeur des mots dans lesquels on se réfugie, ceux qu’on ne dit pas, ceux qu’on cherche: "Personne ne me comprend / même pas moi / avec ces jambes qui allongent / sans me demander mon avis / et mes pensées / voyageant à la vitesse de la lumière / on dirait que je parle / une autre langue, une langue / aux accents étranges / qu’on découvrira / peut-être un jour quand les fusées / atteindront la Voie lactée".
Enfin, Élise Turcotte donne la parole à un garçon, dans le si bien nommé Voyages autour de mon lit, où la paralysie le dispute au désir d’avancer: "je fabrique des grigris / pour me protéger / des guerres / je lis mon avenir / dans l’ombre / des choses / c’est ainsi que je vis (…) / parfois le temps presse / j’enfile mes vêtements / à l’envers / je suis somnambule / en plein jour / sur la route / rien ne s’arrête".
Comme on aurait aimé que l’éditeur ait, en plus de cette bonne idée de collection (dirigée adroitement, de toute évidence, par la nouvelliste Sylvie Massicotte), suffisamment de moyens pour imprimer en couleur les gravures et eaux-fortes signées Daniel Sylvestre, Elmyna Bouchard et Jean-Benoît Pouliot, qui viennent illustrer ces trois textes beaux à pleurer.
Les Mots secrets, Louise Dupré, 2002, 40 p.
avec des eaux-fortes de Jean-Benoît Pouliot
L’Ourse, Rachel Leclerc, 2002, 40 p.
avec des lithographies de Daniel Sylvestre
Voyages autour de mon lit, Élise Turcotte, 2002, 36 p.
avec des eaux-fortes d’Elmyna Bouchard