Jane Urquhart : Femme en art
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Jane Urquhart : Femme en art

JANE URQUHART verra paraître un nouveau roman, The Stone Carvers, en français à l’automne 2002. À l’occasion de sa venue à Montréal, nous avons voulu qu’elle nous parle de son métier, et de sa vision de la littérature canadienne.

Les écrivains canadiens (et québécois) ont un destin particulier. Pas toujours reconnus dans leur propre pays, ils doivent souvent passer par l’étranger pour que l’on s’intéresse vraiment à eux. Surtout quand on écrit en anglais et que notre littérature se noie dans celle du voisin du sud (pour les écrivains québécois, c’est pire, il y a encore moins de lecteurs…).

Quant à Jane Urquhart, il aura fallu qu’elle soit traduite pour exister chez elle. "C’est certainement vrai pour plusieurs d’entre nous, affirme l’auteure ontarienne qui a pris quelques minutes de son après-midi pour répondre à nos questions avant de venir participer au Festival Métropolis Bleu. C’est le fait que les autres vous reconnaissent qui vous donne un véritable statut. C’est sans doute comme ça partout, mais pas en France ni aux États-Unis!"

Au sujet de l’art
Jane Urquhart a la cinquantaine, écrit des romans (Niagara, La Foudre et le Sable, Le Peintre du lac, Prix du Gouverneur général 1997), des nouvelles (Verres de tempête) et de la poésie depuis 20 ans. Son dernier roman, The Stone Carvers, raconte l’histoire de héros canadiens lors de la Première Guerre mondiale, par le biais du sculpteur torontois Walter Allward. Ce qui frappe dans ses livres, c’est cette réflexion générale qu’elle développe sur l’art, son rôle dans nos vies, dans nos sociétés. Ainsi, dans son métier, elle se laisse conduire par son amour de l’art, sa sensibilité aux formes, aux couleurs, aux sensations. "J’ai toujours été guidée par les images que je voyais, ce sont elles qui m’inspirent pour écrire mes romans; si je ne vois pas ces images, les personnages, les paysages, les lieux, impossible pour moi d’écrire. Je ne parle pas d’images dessinées, mais de mémoire, d’impressions qui accompagnent cette vision que j’ai des divers éléments composant un roman. Ajoutez à cela que j’ai étudié l’histoire de l’art, que j’ai été mariée à deux hommes artistes visuels…, et vous comprenez pourquoi l’art fait partie de ma vie!"

À la différence d’autres écrivains qui vérifieraient d’abord auprès d’artistes professionnels si ce qu’ils décrivent est réaliste, Jane Urquhart ne paraît pas du tout intimidée quand il s’agit d’évoquer la peinture, la sculpture dans ses romans. "Je trouve même que c’est plutôt naturel chez moi, confie-t-elle. En fait, je trouve plus facile d’écrire à partir de mon imaginaire, de ma mémoire, plutôt que de devoir aller chercher à l’extérieur les éléments qui seront la matière de mon roman. Je suis une écrivaine contemplative: je recueille ce que je ressens, ce que je vois, et je le traduis en mots."

L’art a aussi pris plus de place dans la culture canadienne et Jane Urquhart s’en réjouit. "Quand j’étais plus jeune, ce n’était pas un sujet important et surtout pas sur le plan local. On devait absolument passer par l’étranger pour exister chez nous. Surtout, on ne prenait au sérieux que ce qui faisait référence, cela venait nécessairement d’ailleurs."

Le goût de l’histoire
Jane Urquhart a reçu en 1992 le Prix du meilleur livre étranger (remis par la critique) pour The Whirpool (traduit en français par Niagara), puis a été faite Chevalier des arts et des lettres en France. Elle a aussi reçu, en 1997, le Prix du Gouverneur général, pour The Underpainter (Le Peintre du lac). "Cela n’a pas changé grand-chose dans ma propre vie, mais disons que, sur le plan intime, je me reconnais moi-même comme étant vraiment écrivain; en fait, la reconnaissance des autres se reflète en vous-même." C’est aussi que le milieu littéraire a changé. La littérature canadienne a conquis une certaine autonomie. "Quand j’ai commencé à écrire il y a 20 ans, les auteurs d’ici étaient très marginaux, et les lecteurs, très peu nombreux. Pour tout vous dire, je suis encore sous le choc de savoir qu’on traduit mes livres. Pour moi, c’est encore un miracle!"

Mais Jane Urquhart est prudente. Selon elle, il n’y a pas de caractéristiques propres à la littérature canadienne. "Je ne généraliserai pas, car ce qui marque cette littérature, c’est d’offrir justement tant de voix différentes. Elle est très marquée par ces écrivains ayant grandi ailleurs, et qui donnent un point de vue très différent de notre monde. Je pense par exemple à Anita Rau Barami (d’origine indienne, elle a écrit Tamarind Mem, et sera également présente au Festival Métropolis Bleu à Montréal). De plus, le fait qu’ils viennent d’ailleurs fait automatiquement que la littérature canadienne s’internationalise."

L’écrivaine ontarienne n’échappe pas à la vague de popularité du roman historique. Comme les Bernice Morgan (Cap Random) mais aussi Margaret Atwood et Alistair MacLeod, Jane Urquhart prend plaisir à faire revivre l’histoire de ses ancêtres et, surtout, trouve beaucoup de lecteurs. Au Québec comme dans le ROC, le roman historique fait fureur. "Cela ne m’étonne pas, dit Urquhart, dont les ancêtres sont irlandais (son nom de jeune fille est Quinn, Urquhart est d’origine écossaise). Contrairement aux grands empires, nous n’avons pas eu beaucoup de cours d’histoire à l’école, nous ne connaissons pas notre passé. Alors on le cherche ailleurs, car nous en avons besoin. Et c’est à travers les histoires que nous racontent nos familles, nos mères et grands-mères en ce qui me concerne, ou encore à travers nos propres recherches que se construit peu à peu notre histoire personnelle et collective."

Jane Urquhart sera présente au Festival Métropolis Bleu
Le mercredi 3 avril et le jeudi 4 avril

Quelques suggestions pour le Festival Métropolis Bleu
Il y a beaucoup trop à dire sur ces activités; voici donc notre sélection tout à fait subjective. Pour toute information, vous pouvez téléphoner à la billetterie Articulée au 844-2172. Peu d’activités sont gratuites, mais plusieurs sont très abordables.

Les différentes lectures et rencontres se déroulent toutes à l’Hôtel Renaissance Montréal, au 3625, avenue du Parc (www.blue-met-bleu.com).

– Le mercredi 3 avril, 20 h: Lecture avec les auteurs espagnols Lucía Etxebarría (Béatriz et les corps célestes) et Manuel Rivas (Le Crayon du charpentier). C’est Émile Martel qui assurera la présentation des auteurs, et le tout aura lieu en langue espagnole.

– Mercredi 3 avril, 20 h 30: Jane Urquhart participera à une lecture publique, et discutera avec Bernard MacLaverty et Joel Yanovski (journaliste et écrivain traduit en français au Québec par les Éditions de la Pleine Lune) de fiction et de création. On pourra aussi entendre Urquhart (en anglais) lors d’une entrevue avec Jeanette Kelly, journaliste à CBC, le 4, à 17 h 30.

– Le jeudi 4 avril, 17 h: Rencontre sur le thème de la guerre avec l’auteure et photographe américaine Susan Sontag et avec Jean-François Chevrier, également photographe.

– Le jeudi 4 avril, 19 h: Remise du Grand prix Métropolis bleu, à Mavis Gallant. Pour l’occasion, la romancière Monique Proulx sera aussi présente et accompagnera en lecture Mavis Gallant, qui répondra aux questions d’Eleanor Wachtel. Le tout se déroulera dans les deux langues officielles.

– Le vendredi 5 avril, à 20 h: "Hommage à Hector de Saint-Denys Garneau", présenté par Sherry Simon, avec les poètes Hélène Dorion, François Charron, Louise Dupré et D.G. Jones.

– Le samedi 6 avril à 13 h: Débat sur le thème du "Monde imaginaire". On y entendra Vincent Nadeau, Hella S. Haasse, François Cérésa, Monique Proulx, et c’est Winston McQuade qui animera.

– Le samedi 6 avril, à 12 h 30 et le 7, à 16 h: The Hidden Face of Afhgan Women présentera trois écrivaine afghanes, soit Fevziye Rahgozar Barlas, Bahar Sayed, Leila Enayat-Seraj, qui évoqueront leur métier et les conditions dans lesquelles elles l’exercent. La rencontre se déroulera en anglais le 7, et en "dari" le 6.

– Le dimanche 7, à 14 h: Une table ronde intitulée "Écrire une vie", avec Phyllis Lambert, Nelly Arcan, Pierre Mertens, Naïm Kattan. C’est la journaliste Francine Pelletier qui présentera les invités, et la séance se déroulera en anglais et en français.

– La série Carte blanche offre à des écrivains de programmer le film de leur choix, qu’ils commenteront sur place, au Cinéma du Parc; parmi eux, Nelly Arcan a choisi Répulsion, Catherine Millet et Jacques Henric, L’Empire des sens; Victor-Lévy Baulieu, Léolo. Consultez l’horaire que vous trouverez sur le site du Festival ou à la billetterie.

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