Didier Tarquin : Cap sur les étoiles
Livres

Didier Tarquin : Cap sur les étoiles

Après avoir vécu moult péripéties, toutes plus abracadabrantes les unes que les autres, Lanfeust quitte Troy pour s’aventurer dans les étoiles. Pas de répit pour le héros d’Arleston et Tarquin, qui séduit un nombre sans cesse grandissant de lecteurs.

Dans le monde de Troy, chacun des habitants dispose d’un pouvoir, important ou anodin. Le jeune Lanfeust, qui sait faire fondre le métal du regard, met à profit ses singulières aptitudes en jouant les forgerons jusqu’au jour où le baron Or-Azur lui demande de réparer son épée. Au contact du pommeau, tous les pouvoirs des habitants de Troy se conjuguent chez le garçon. Aussi, lorsque l’épée disparaît avec son propriétaire, Lanfeust et ses compagnons partent-ils en quête de l’arme.

Ce petit univers d’héroïc-fantasy, où l’aventure se fond dans la rigolade, est le fruit d’une rencontre entre le scénariste Scotch Arleston et le dessinateur Didier Tarquin. Une collaboration quasi désespérée à en croire Didier Tarquin, puisque après trois publications qui avaient été autant d’échecs commerciaux, le dessinateur se voyait offrir une dernière chance par son éditeur. "J’avais dit à Arleston: "Moi, je n’y crois plus, alors ce que j’aimerais, c’est qu’on laisse tomber le lecteur, parce qu’il n’aime pas ce que je dessine, et qu’on se fasse plaisir", raconte-t-il. On a donc fait ça en égoïstes et apparemment notre plaisir est compatible avec celui des lecteurs. C’est pour ça qu’il y a eu ce petit miracle qui a fait que dès le premier album de Lanfeust, il s’est passé quelque chose…."

La recette du plaisir
Après neuf tomes d’aventures, un magazine qui porte son nom et une foule de rumeurs quant à son éventuel passage au cinéma ou dans le milieu des jeux vidéo, Lanfeust est toujours aussi populaire. Le génie d’Arleston et de Tarquin tient sans doute au fait qu’ils ont su respecter quelques-unes des grandes règles de la BD classique, tout en les pimentant: leur héros, un peu fade comme Astérix ou Tintin, est mené par un tourbillon d’événements et est entouré d’une galerie de personnages attachants. Outre ses actes de bravoure, il est aux prises avec des dilemmes amoureux, partagé entre la maternelle C’ian et la provocante Cixi, alors que ses autres compagnons, comme le sympathique troll Hébus (qui a d’ailleurs donné naissance à la série Trolls de Troy), sont au coeur d’une série de gags, tantôt fins, tantôt gras.

Ajoutez à cela la propension des auteurs à multiplier les références, glissées subtilement dans les textes ou les dessins, ainsi qu’un monde fantastique qui ne se prend jamais au sérieux, et vous tenez la recette de Lanfeust de Troy. "Pour faire rêver les gens, il faut être minimalement cohérent dans son délire, précise Tarquin. Une fille comme Cixi, en talons hauts en pleine jungle, c’est débile, c’est clair que c’est n’importe quoi! Mais on a réussi à se positionner pour qu’il y ait des choses incohérentes qui puissent trouver leur place, car les villes, les machines ou les créatures ont leur logique et pourraient exister."

Tarquin du Québec
Malgré le succès remporté par leur série, Tarquin et Arleston évitent de faire du surplace. Parvenu au terme de sa quête au bout de huit albums, Lanfeust et quelques-uns de ses compères ont mis le cap vers les étoiles. Un tout autre monde s’est ainsi présenté aux lecteurs, loin des forêts et des créatures de Troy. "C’est formidable, parce qu’en tant que dessinateur, j’ai tous les avantages, explique Tarquin. J’ai des personnages avec lesquels je vis depuis maintenant sept ans, donc il y a un confort, et il y a l’excitation de faire quelque chose de totalement nouveau, de redécouvrir et dessiner des trucs que je n’ai jamais faits, comme des vaisseaux spatiaux, par exemple."

Encore surpris de l’engouement qu’a suscité et que suscite toujours Lanfeust, Tarquin, bien qu’heureux de poursuivre la série, songe à prendre quelque peu ses distances du phénomène de popularité qui l’entoure. Cela se traduirait d’une part par des projets de bandes dessinées en parallèle, dont un album des Krash Monsters, et, de l’autre, par un exil à mi-temps au Québec. Est-ce à dire qu’après Lanfeust de Troy et Lanfeust des étoiles, il y aura un Tarquin du Québec? Le dessinateur en est persuadé: "Pour se considérer soi-même en tant qu’individu, je crois qu’il y a deux optiques. Il faut se considérer par rapport à ce qu’on fait, mais aussi par rapport à ce que l’on est. Et le problème avec Lanfeust, c’est que j’ai l’impression de n’être considéré que par rapport à ce que je fais. J’ai besoin de me retrouver et je crois que le Québec pourrait me permettre ça. Par ailleurs, il est clair que si je devais vivre dans un autre pays, tout m’attirerait vers l’extérieur. Je ne pourrais pas rester enfermé chez moi en sachant que dehors il se passe plein de choses et que je suis à l’autre bout du monde par rapport à la France! Donc je compte aussi sur ça pour m’obliger à sortir, à voir des gens et à les écouter."

Didier Tarqui
Didier Tarqui
Cap sur les étoiles