Thana, Les Vents de Grand'Anse
Livres

Thana, Les Vents de Grand’Anse

Louise Simard publiait il y a deux ans Thana, La Fille-rivière (Grand Prix littéraire Archambault 2001), qui racontait l’histoire mouvementée des Mesquakies, un peuple amérindien exterminé au 18e siècle par les colons français. Après La Route de Paramatta (1998), l’auteure signait là un autre succès, qui a beaucoup plu aux Français qui en ont acheté plus de 65 000 exemplaires.

Louise Simard

publiait il y a deux ans Thana, La Fille-rivière (Grand Prix littéraire Archambault 2001), qui racontait l’histoire mouvementée des Mesquakies, un peuple amérindien exterminé au 18e siècle par les colons français. Après La Route de Paramatta (1998), l’auteure signait là un autre succès, qui a beaucoup plu aux Français qui en ont acheté plus de 65 000 exemplaires. Bien sûr, les Français aiment les grands espaces et l’exotisme, mais ce n’est pas tout. Thana est un roman bien écrit, raconte une histoire bien ficelée, ce qui n’est pas rien.

Voici donc la suite de Thana, où l’on accompagne la Meskaquie en Martinique, en 1734. Le roman s’ouvre sur une scène frappante, où le couple Thana et Kiala, mari et femme, est vendu au marché aux esclaves. Exposés comme des bêtes, ils découvrent un monde où la vie des humains ne vaut rien, où les enfants aussi servent les Blancs. "Comme les autres esclaves mis en vente, le garçonnet subit sans broncher les attouchements humiliants du vendeur. Avec ses compagnons, il partage une souffrance morale et physique, aisément perceptible. Pas un qui ne soit mutilé, oreilles tailladées, lèvres coupées, dos et poitrines marqués par le fouet, jambes galeuses."

Dans ce second épisode, Louise Simard raconte l’esclavage des Noirs, comme elle a raconté celui des Meskaquies, par les maîtres venus d’Europe. Le mouvement antiesclavagiste n’a pas encore illuminé les esprits, et en Martinique, comme ailleurs, Noirs et Autochtones sont soumis à une exploitation qui fait frémir.

Thana est achetée par Henriette, jeune métisse, fille d’Adrien Savari, un riche planteur vivant à Grand’Anse. Si l’héroïne est vue comme un animal bizarre à son arrivée, elle gagne vite le coeur de Maman Joseph, et de quelques esclaves qui reconnaissent son courage et son intelligence.

En suivant le trajet de Thana, l’on découvre le quotidien des esclaves, de leurs maîtres, les liens (parfois beaux, parfois malsains) qui les unissent les uns aux autres. À travers les personnages d’Henriette et de sa femme de chambre, Virgine, Louise Simard trace des portraits subtils: la maîtresse n’est pas tout à fait mauvaise, l’esclave, pas tout à fait bonne, qui vit par procuration les richesses et le luxe d’Henriette. Celle-ci fantasme silencieusement sur Kiala, un homme fort, grand, bien fait, qui la changerait de son époux frivole et ivrogne.

On croise également Papillon, ce petit esclave chétif, malade, qui mange de la terre pour se faire mourir et rejoindre ses parents; Jasmin, fils métissé d’une esclave et de son maître (puisque les femmes sont aussi là pour servir les hommes), qui essaie de cultiver ses propres terres mais que les Blancs refusent de voir réussir.

L’auteure prend un soin méticuleux à faire découvrir à son lecteur aussi bien la végétation de la Martinique que les langues qu’on y parle, et les coutumes qu’on y pratique. Et surtout, ce second tome, aussi bon que le premier, aussi bien écrit, continue à révéler quelques zones d’ombre que l’on oublie trop souvent. Éd. Libre Expression, 2002, 408 p.