Andrée A. Michaud : Derrière le paysage
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Andrée A. Michaud : Derrière le paysage

"Même les rêves des petites filles peuvent se faner…" Avec son cinquième roman, l’auteure ANDRÉE A. MICHAUD gratte la surface d’un tableau champêtre idyllique pour révéler une noirceur peu commune où ne subsiste aucune place pour l’enfance. Récipiendaire du prix du Gouverneur général, Le Ravissement ravit pour mieux terrifier.

Paru il y a plusieurs mois chez l’Instant même, le roman s’est mérité un large succès d’estime que sa présence au Salon du livre de Québec vient fort justement couronner. L’auteure de Québec n’en est pas pour autant à ses premiers coups de crayon. Depuis La Femme de Sath, en 1987, Andrée A. Michaud publie comme un métronome avec un nouveau roman tous les trois ans.

Une régularité qu’on retrouve également dans les thèmes qu’elle aborde: nostalgie, souvenirs, enfance et communion avec la nature. Le style repose quant à lui sur les errances d’un long monologue intérieur où se multiplient les rappels et les répétitions. Andrée-A. Michaud semble par ailleurs fascinée par les couleurs, par lesquelles elle fixe le caractère des choses: la robe jaune comme le soleil d’une fillette innocente, la noirceur des arbres qui dansent la nuit, le orange d’une robe de femme qui veut séduire ou le bleu énigmatique d’un regard indéfini…

Le récit s’engage autour du traumatisme d’une femme qui nous livre par bribes les détails de son effroyable secret. Peu à peu, le tableau champêtre au beau fixe se met à prendre vie, à laisser s’exprimer ses couleurs et sa "beauté catastrophique". On se fait kidnapper par cette intrigue où tout n’est qu’étrangeté, l’ambiance rappelant le Kamouraska d’Anne Hébert ou – est-ce un hasard ? – Le Ravissement de Lol V. Stein de Marguerite Duras, par exemple. Ce qui aurait pu n’être qu’un vulgaire suspense prend plutôt la forme d’un long et énigmatique songe qui enveloppe le lecteur comme le sont les personnages dans leur destin.

Par ailleurs, pris dans cette enveloppe, on vit avec un peu de difficulté la coupure entre la première et la seconde partie. Peut-être parce qu’il s’agit d’un homme, on sent l’auteure moins confortable avec le deuxième narrateur, personnage beaucoup plus typé que son prédécesseur féminin. Quoi qu’il en soit, on ressort "ravi", au sens positif du terme, de cet ouvrage ensorcelant et magnifiquement écrit.

Le Ravissement
d’Andrée A. Michaud

L’Instant même

211 pages, 2001

Le Ravissement
Le Ravissement
Andrée A. Michaud