Le Bébé : Marie Darrieussecq

Qu’advient-il de votre vie quand surgit Le Bébé alors que, jusque-là, le quotidien était fait de hasards, de bons vins et de cigarettes? Comment le corps change-t-il, comment votre psychologie se transforme-t-elle pour englober, comme par magie, un être de plus dans votre intimité? Et d’ailleurs, qu’en est-il de votre intimité? Marie Darrieussecq s’est lancée dans un projet intrigant, celui de raconter son expérience de la maternité, au jour le jour, interruptions de fiston comprises.

La nouvelle maman n’en finit plus d’observer son poupon qui bouge, regarde et parle son langage à lui. "Il ouvre les bras, hausse les sourcils, écarquille les yeux, bouche bée. Quand il rit, il se tord. Quand il pleure, de grosses larmes coulent sur ses joues. Quand il a sommeil, il se frotte les yeux. Quand il a peur, son menton se plisse et sa bouche tremble. J’aime surtout quand il étudie, avec un sérieux qui le fait loucher, un passionnant pied de table ou capuchon de stylo."

Darrieussecq se questionne sur le lien maternel, parental, conjugal, sur les soins à apporter à son trésor, sur l’inconnu aussi, qui se présente à chaque nouvelle étape. Et puis, puisqu’elle est écrivain, la maman se demande bien si elle recommencera à écrire, et quand. D’ailleurs, pourquoi si peu d’auteur(e)s parlent du bébé? Une créature si fascinante ne devrait-elle pas peupler les pages de nos livres? "Bonheurs qui loin de s’entremanger se nourrissent l’un de l’autre. L’écriture pousse ici avec le bébé, et le bébé profite de l’écriture, puisque ce cahier rend sa maman heureuse."

Après la truie (Truismes), les fantômes (Naissance des fantômes), les infants défunts (Bref séjour chez les vivants), le bébé vient prendre sa place dans le théâtre original de Marie Darrieussecq. En femme de son temps, elle fait voler en éclats le cliché selon lequel la maternité ne peut pas coexister avec la création. Mieux: son récit est habité des rythmes (repas, tétées, dodos, jeux, mais aussi échanges avec le père, introspections, etc.) maternels, et l’intimité… par les affres passionnantes de la création. Éd. P.O.L., 2002, 187 p.