Serge Lamothe : L’Ange au berceau
Les romans de Serge Lamothe sont exponentiels. Vous en lisez un, et attendez le second pour que se résolvent des énigmes posées dans le premier. Puis, surprise, les histoires, au lieu de se démêler, se compliquent et se mutliplient.
Les romans de Serge Lamothe sont exponentiels. Vous en lisez un, et attendez le second pour que se résolvent des énigmes posées dans le premier. Puis, surprise, les histoires, au lieu de se démêler, se compliquent et se mutliplient.
Après La Longue Portée (1998) et La Tierce Personne (2000), qui mettaient en scène Charles Godin puis Mathieu Arbour, voici le troisième tome de la trilogie annoncée: L’Ange au berceau. Ce dernier volet raconte la vie du jeune Simon, à qui son père adressait une longue lettre, matière romanesque de La Longue Portée. Vous me suivez?
Le récit de L’Ange au berceau débute à Naussau, où vit Simon. Élevé par son grand-père, Al Godin (père de Charles, tué par Mathieu Arbour), Simon assistera, impuissant, à sa disparition. "Al Godin monta à bord de L’Ange au berceau, mit les moteurs en marche et, tandis que Simon s’affairait sur le quai, il se retourna pour lui faire signe de larguer les amarres. Il s’éloigna lentement avant de mettre les gaz et disparut bientôt à l’embouchure du canal d’Old Fort Bay. Simon ne le revit plus jamais."
Pendant l’ouragan Floyd qui ravage les côtes des Bahamas (un épisode décrit de façon fort convaincante), Simon s’enferme dans la maison de son grand-père, et vide les bouteilles les unes après les autres. L’on assiste à la torpeur de Simon, qui passe son temps à soliloquer. "Demeurer sain d’esprit. Préoccupation héroïque. Et ne pas boire trop vite. La maison tangue bel et bien. Comme dans mon rêve. Sauf que je suis seul à bord. Tout à fait seul cette fois."
Puis, Simon recevra la visite d’un inspecteur, de bandits, rencontrera un notaire qui disparaîtra à son tour, etc.; bref, le mystère s’épaissit. Une bonne partie du récit est rendue par le Green Book, journal qu’écrit Simon, et dans lequel il pose les questions qui l’assaillent et échafaude ses hypothèses.
Parmi celles-ci figurent les références aux deux tomes précédents, mais également à d’autres informations relatives à sa famille, notamment à un aïeul qui aurait lui aussi disparu dans d’étranges circonstances. Simon se rendra à Paris, à Lyon, à Istanbul, au Québec et à New York, puis reviendra à Nassau, pour y résoudre les énigmes entourant ses ancêtres.
C’est une toile complexe que tisse Serge Lamothe dans ce roman. Déjà, les deux précédents livres brouillaient les pistes, mais c’est ici que le summum est atteint. Ce jeu peut se révéler intéressant, entre autres pour modifier les points de vue narratifs; mais ici, l’auteur nous perd, et il est bien difficile de suivre le fil. On s’égare dans les multiples retournements de situations, les allées et venues des personnages, les révélations, les différentes voix narratives. Devenant un réel polar, le récit manque de structure, alors qu’il en aurait besoin, plus que dans les deux précédents romans.
Le style de Lamothe, son ironie, sa poésie sont toujours là, mais la construction maladroite du roman ne laisse pas vivre l’écriture qui se déployait magnifiquement dans La Longue Portée et dans La Tierce Personne. Dommage. Éd. L’instant même, 2002, 179 p.