Lectures d’été : Prendre le large
Ça y est: vous humez l’air qui embaume les lilas, le muguet, et surtout… les vacances (même très courtes) qui approchent. Voici quelques suggestions de biographies, romans, polars et autres, en vue de délicieux farnientes.
Biographies
Saga Sagan
Trois livres viennent de paraître qui racontent la vie de Françoise Sagan, la "dernière existentialiste", ainsi que la décrit le critique Jérôme Garcin dans Le Nouvel Obs. L’auteure de Bonjour Tristesse est bien mal en point ces jours-ci: elle qui a dépensé sans compter toute sa vie (et souvent pour les amis, comme le disent ses biographes) se retrouve, à 66 ans, malade et ruinée, après une condamnation à la prison pour fraude fiscale. Des personnalités françaises et étrangères se sont d’ailleurs liguées pour venir en aide à Sagan, mêlée au scandale financier de l’affaire ELF, comme feu son grand ami, François Mitterrand. Sagan fait le bonheur des magazines people qui ont du croustillant à se mettre sous la dent. Heureusement, deux biographies nous font redécouvrir l’écrivaine qu’était Françoise Quoirez, et qui choisit pour nom celui d’un personnage de La Recherche de Proust, son idole. Dans Ce charmant petit monstre, surnom donnée à Sagan par François Mauriac, Alain Vircondelet (également biographe de Duras) se laisse aller à la légende; usant d’un ton très Paris-Match, c’est-à-dire affecté et faussement empathique (ce qui peut passer dans un article, mais peut agacer sur 200 pages), le biographe s’attache à l’image de la Sagan de 18 ans, qui pond Bonjour Tristesse entre la poire et le fromage (enfin, pour la légende), comme ça, sans trop y réfléchir. Mais son éditeur (Julliard) ne s’y trompe pas et donne la lune à Sagan pour qu’elle se prête au jeu de la vedette. Elle veut de l’argent? Voilà des chèques et encore d’autres, aussitôt dépensés. Vircondelet excelle à dépeindre le milieu de l’édition: loin de fondre devant le romantisme des débuts de Sagan, il explique les rouages d’un commerce impitoyable. On croise par exemple Cocteau qui dénonce le succès foudroyant d’une petite fille de 12 ans, qui publie son premier livre de poésie (Minou Drouet); on découvre les coulisses d’un monde qui vit en fabriquant des images, un monde loin des rêves inspirés des jeunes écrivains. Sagan paraît au-dessus de tout ça, s’éclate en boîte, fait les 400 coups, ce qui est bien de son âge. Vircondelet paraît vouer une grande admiration pour la Sagan des grand soirs mais aussi pour l’émule de Proust, de Gide, et de tous les écrivains chez qui elle veut se retrouver. On la découvre aussi poète (elle écrivit des chansons, notamment pour Mouloudji), et dramaturge. Délaissant les batailles politiques (la guerre d’Algérie, l’Indochine), Sagan cultive la passion des voitures, de la vitesse, des plaisirs hédonistes qu’elle peut se payer grâce au succès de Bonjour Tristesse. Pol Vandromme, dans Françoise Sagan ou l’élégance de survivre, réédition d’un ouvrage paru il y a 20 ans, redresse l’image de flambeuse et de mondaine qu’a toujours eue Sagan, et veut faire redécouvrir son talent. Il s’attache donc à révéler le style et l’imaginaire de son héroïne, en admirateur. Sophie Delassein, dans Aimez-vous Sagan…, publie une biographie détaillée, fouillée, une enquête en bonne et due forme sur un personnage que, visiblement, elle idolâtre. Ses excès, ses envolées, ses passions enflamment Delassein qui ne perd pas de vue l’objet de son ouvrage: faire parler ceux qui l’ont connue, dévoiler le fil de sa vie, depuis son enfance à Carjac (dans le Lot) jusqu’à aujourd’hui. Bref, si vous avez envie d’en apprendre plus sur cette dandy, de redécouvrir ses oeuvres, son époque, vous avez de quoi lire! (P. N.)
Aimez-vous Sagan, de Sophie Delassein, Éd. Fayard, 358 p.
Françoise Sagan ou l’élégance de survivre, de Pol Vandromme, Éd. du Rocher, 150 p.
Ce charmant petit monstre, d’Alain Vircondelet, Éd. Flammarion, 269 p.
Marie Mancini, de Claude Dulong
Premier amour de Louis XIV, nièce de Mazarin, Marie Mancini (1640-1715) échappa au mariage avec le Roi-Soleil pour cause de stratégie politique. À l’époque, rien d’anormal là-dedans. Mais le personnage de Mancini est intéressant: elle a parcouru l’Europe à l’heure du grand brassage culturel et a été femme de lettres. C’est cet aspect qui est au centre de la biographie très sérieuse et fort documentée de l’historienne Claude Dulong. À la lumière de textes inédits provenant des archives Colonna de Rome (Marie Mancini a été l’épouse du prince de Colonne, puissant seigneur de Rome), l’auteure a donc fouillé la vie de Mancini, et retracé son itinéraire complexe, puisqu’elle a passé une bonne partie de sa vie à fuir un mari qu’elle n’aimait pas. Destin féminin, mais aussi témoin de son temps, comme le démontrent ses Mémoires, que commente aussi Claude Dulong. Éd. Perrin, 405 p. (P. N.)
Secrets de la chair, Une vie de colette, de Judith Thurman
Ce livre a fait beaucoup de bruit à sa sortie en langue originale anglaise, qui eut lieu la même année, 1999, que celle de l’excellent ouvrage biographique d’Alain Brunet et Claude Pichois (Colette). Cette spécialiste est également auteure d’une biographie de Karen Blixen, et journaliste littéraire pour The Nation, Vogue, le NYT, etc. Ce livre très fouillé analyse l’oeuvre et la vie de Colette, en six sections. Alors que le livre de Pichois et Brunet s’attachait plus à l’oeuvre, celui-ci détaille les épisodes de la vie de Colette, replaçant minutieusement les faits dans leur contexte personnel, social et politique; cela vaut donc 60 pages de notes, sans compter la bibliographie. Il faut aimer ce genre d’ouvrage laborieux, et le sujet, bien sûr. Mais pour les fans et les inconditionnels de Colette voilà une lecture d’été toute désignée. Éd. Calmann-Lévy, 632 p. (P. N.)
Pirandello
Biographie de l’enfant échangé
d’Andrea Camilleri
Longtemps, Luigi Pirandello aurait eu l’intime conviction d’être un "enfant échangé", se sentant étranger à la famille dont il portait le nom – et surtout à son colérique de père; un statut qu’il s’efforcera de confirmer en se consacrant à l’écriture. C’est sous cet angle psychologique que l’écrivain et homme de théâtre Andrea Camilleri (surtout connu ici pour ses romans policiers) revisite la vie du dramaturge Pirandello, "abordée d’un point de vue limité et entièrement personnel". Une vie riche en épisodes romanesques, entre les traumatismes d’enfance et un mariage d’argent qui l’enchaînera des années à une épouse folle.
Lui-même né dans le village sicilien où a grandi l’auteur de Six personnages en quête d’auteur, Camilleri puise généreusement dans l’oeuvre du grand écrivain pour étayer ses interprétations du personnage pirandellien. Intéressant et généralement éclairant. Traduit de l’italien par François Rosso. Éd. Flammarion, 2002, 318 p. (M. L.)
Romans, écrits, nouvelles
Voyage au Portugal avec un Allemand
de Louis Gauthier
"Londres, Paris, Toulouse, Bayonne, Biarritz, San Sebastian. Six jours déjà que je suis en route. Six jours et il ne s’est rien passé. L’univers n’est pas aussi magique que je le croyais, ou bien c’est mon destin à moi qui n’est pas intéressant…" Ainsi songe le narrateur du Voyage au Portugal avec un Allemand, de Louis Gauthier. Le même narrateur qui traînait, en 1984, dans son Voyage en Irlande avec un parapluie, son "bagage dérisoire". Obsédé par sa solitude, par l’idée qu’il pourrait disparaître sans laisser de traces, sans que personne ne s’en préoccupe, celui qui fait s’alterner pensées et images de voyage sur les pages de ce roman plein, lui, de magie, s’invente dans un geste de survie des détours imprévus à son destin chagrin. Une femme passionnée dans un café; un ange gardien dans un casino; un passé pour cet Allemand si secret, Monsieur Franz, peintre, qui l’accompagnera un temps au Portugal.
Il est un peu philosophe, cet homme anonyme. Et lecteur, et écrivain. Il lit Borges, écrit dans son carnet noir sur ces peurs qui nous traversent tous, un jour ou l’autre – peur de la solitude, de la vieillesse, de la mort et de la folie. Et encore ici, il écrit à celle qu’il a aimée et qu’il n’oublie pas. "Je t’écris comme d’habitude pour me sauver et ne pas devenir fou, ne pas devenir un pauvre type qu’on ramasse, dont on s’occupe par charité. Si je ne t’écrivais pas, je ne sais pas ce que je ferais."
Louis Gauthier compose depuis près de 25 ans des récits et des romans qui ne font pas de bruit, mais laissent des traces. Et cet étrange, mémorable voyage immobile, récit d’un écrivain obsédé par le roman qu’il n’arrive pas à écrire, en laissera de profondes, d’indélébiles, au coeur de ses lecteurs. Éd. Fides, 2002, 180 p. (M.-C. F.)
À venir cet été:
Un nouveau Michel Tremblay
Ils sont fort attendus, ces Bonbons assortis, prochain recueil de récits autobiographiques signés Michel Tremblay. Dans la lignée de ses Douze coups de théâtre et autres Vues animées, mais sans thématique précise, cette fois, l’auteur nous offre de partager quelques souvenirs marquant de sa petite enfance – son premier matin à l’école, ses amis et amies de la rue Fabre. À paraître le 25 juin (aux éditions Leméac) le jour même où Tremblay célébrera son 60e anniversaire. (M.-C. F.)
Riches et célèbres
de Kurt Andersen
Lui, la belle quarantaine, travaille comme producteur de télé pour une firme dirigée par le multimillionnaire Harold Mose. Elle, femme d’affaires hors pair, dirige une compagnie de logiciels qui fait l’envie de tous, en particulier du géant Microsoft. Leurs trois enfants, surdoués, vont dans les meilleures écoles privées. Leur baby-sitter mexicaine est parfaite. À deux, Georges et Lizzie font suffisamment d’argent pour ne plus savoir quoi en faire. Qu’est-ce qu’ils pourraient désirer de plus? Peut-être de vivre des émotions vieilles comme le monde, telles que la jalousie, la passion, l’amour? Écrit par le cofondateur du magazine Spy et ex-rédacteur en chef du New York magazine, Riches et célèbres est une caricature décapante des milieux hyper branchés new-yorkais. Un roman féroce et tendre qui dépeint avec brio l’Amérique de l’an 2000, au temps de l’innocence. Calmann-Lévy, 2002, 652 p. (M.-C. F.)
La Fête au Bouc
de Mario Vargas Llosa
Après Gabriel Garcia Marquez (L’Automne du patriarche) et Augusto Roa Bastos (Moi, le suprême), c’est au tour de Mario Vargas Llosa d’y aller de son "roman de dictateur", un genre à part entière, dit-on, en Amérique latine. Avec La Fête au Bouc, l’auteur de La Tante Julia et le Scribouillard compose un grand roman sur fond d’histoire vraie, celle de la République dominicaine des années Trujillo, ce tyran qui a fait régner la terreur pendant trois décennies jusqu’à son assassinat en 1961. Si Urania Cabralo, jeune avocate exilée à New York, revient à Saint-Domingue 20 ans après la mort de Trujillo, c’est pour aller au chevet de son père, Agustin Cabral, ministre déchu du tyran. À travers cette ultime rencontre entre père et fille, Mario Vargas Llosa réussit à faire revivre de façon éblouissante une terrible page d’histoire. Éd. Gallimard, 2002, 603 p. (M.-C. F.)
La Châtelaine de Mallaig
de Diane Lacombe
Les paysages désolés des Highlands, les guerres de clans médiévales, une romance difficile: La Châtelaine de Mallaig a tout pour plaire aux lectrices avides de romans historiques. Sis en Écosse en 1424, le premier roman de Diane Lacombe suit la jeune Gunelle, héritière raffinée des Lowlands, jusqu’à Mallaig, dans le Nord barbare, où elle doit prendre mari. Le rustre Iain fait d’abord tout pour lui être désagréable, mais les qualités de sa dame ne tarderont évidemment pas à le faire craquer… Avec son histoire d’amour-haine entre la fière héroïne et le chevalier courageux et tourmenté, l’intrigue dégage parfois d’incontestables accents "harlequinesques". Mais ça n’empêche pas de suivre avec plaisir ces personnages bien dessinés. La prenante peinture d’époque, la qualité de l’écriture et la maîtrise du récit font de La Châtelaine… une parfaite friandise estivale. Éd. VLB, 2002, 535 p. (M. L.)
Le Carnet de Léo
de Danielle Dubé
Après avoir remporté le prix Robert-Cliche pour Les Olives noires en 1984, et publié Un été en Provence, un récit de voyage (en collaboration avec Yvon Paré), en 1999, Danielle Dubé plonge dans un roman plus profond, plus psychologique aussi, où le rôle du père, Léo, est central. C’est en fait sa disparition qui insuffle aux personnages, et particulièrement à la narratrice, leurs questionnements, leurs doutes sur cette figure essentielle. Bien sûr, c’est soi-même que l’on découvre au bout du compte, et les autres membres de la famille que l’on voit sous un autre jour. On boit, mange et aime beaucoup dans ce roman très terrien; on voyage aussi, physiquement et à rebours dans le temps, celui de ses souvenirs d’enfance, partagés avec les frères et soeurs. Un style tout simple, mais un récit touchant. Éd. XYZ, 2002, 197 p. (P. N.)
Pop Wooh
Popol Vuh, le Livre du temps
Histoire sacrée des Mayas quichés
Cet ouvrage est plus qu’un roman, puisqu’il serait le livre originel écrit d’abord en quiché (la langue indigène maya) puis traduit en espagnol en 1550. Le traducteur et auteur Pierre DesRuisseaux a préparé cette nouvelle traduction avec la collaboration de sa compagne Daisy Amaya, elle-même Latino-Américaine. Ce texte présente en fait la vision qu’avaient du monde les Mayas, leur mythologie, leur conception de la création. Les deux auteurs de cette nouvelle version se sont inspirés bien évidemment des anciennes traductions et fournissent en appareil critique une série de notes auxquelles les amateurs peuvent se référer. Éd. Triptyque / Le Castor astral, 249 p. (P. N.)
Mistouk
de Gérard Bouchard
Mistouk, c’est le petit village du Saguenay où grandit, dans l’émerveillement des richesses du monde, le héros plus grand que nature de cette épopée couleur bleuet: né en 1887, l’aîné d’une famille de pauvres colons, Méo Tremblay, étonne en effet par sa taille démesurée et par la force de son appétit de vivre. Bientôt, ce personnage attachant parcourra toute l’Amérique…
Déjà auteur d’essais (Genèse des nations et cultures du Nouveau Monde) et d’ouvrages spécialisés, le Chicoutimien Gérard Bouchard signe ici son premier roman. Le prof d’histoire et de sociologie donne vie à des faits et à des personnages qu’il assure "presque tous véridiques", mais avec une ampleur et une saveur romanesques, dans une langue descriptive. Nous vous en reparlerons bientôt plus en profondeur. Éd. du Boréal, 2002, 520 p. (M. L.)
Polars / Thrillers
Wonderland Avenue
de Michael Connelly
Tout commence un soir d’hiver où un chien au nom prédestiné de Calamity déterre un os, dans un boisé de Wonderland Avenue, à L.A. Un os que son maître, un docteur à la retraite, identifie sans hésitation comme étant celui d’un enfant. Dépêché sur les lieux, l’inspecteur Harry Bosch se voit obligé de recourir aux services d’une équipe de médecins légistes qui se mettent aussitôt au boulot. D’autres ossements risquent d’être retrouvés. Il faut délimiter la zone de fouille, recouvrir le terrain de piquets en bois et de fils pour en faire un quadrillage bien net. Dans le jargon des enquêteurs, cette zone clé s’appelle City of bones, la ville des ossements, une véritable "petite ville faite de rues et de croisements" qu’il faudra fouiller de fond en comble. City of bones, le titre original du dernier Michael Connelly, donnait davantage l’atmosphère de cette enquête qui mettra la foi de l’inspecteur durement à l’épreuve. Les premiers résultats d’examens démontrent que l’enfant, qui semble enterré là depuis au moins une vingtaine d’années, a été victime de sévices répétés. Bosch, qui a eu une enfance difficile, est anéanti par ces découvertes. Mais qui s’en souciera, en ce mois de janvier 2002? "Des kamikazes frappent New York et trois milles personnes en meurent avant même d’avoir fini leur première tasse de café. Qu’est-ce que peut bien faire un petit tas d’ossements qui remontent à on ne sait combien d’années, hein?" Or grâce, entre autres, au soutien moral et à l’affection d’une nouvelle recrue, par ailleurs très jolie, Bosch finira bien par faire la vérité sur cette triste histoire. Un très bon Connelly, qu’on se gardera pour les meilleurs jours des vacances, en attendant de voir l’adaptation au cinéma de Créance de sang, produit et réalisé par Clint Eastwood. Éd. Seuil policiers, 2002, 338 p. (M.-C. F.)
Sac de noeuds
de Robert Malacci
Pour Malacci, photographe au quotidien Écho-Matin, les vacances en Guadeloupe n’auront pas été de tout repos. Non seulement se retrouve-t-il mêlé à un meurtre, mais en plus il se voit obligé de retourner au Québec de toute urgence à la demande de son employeur, Chalifoux, grand patron d’Écho-Matin. Un ami de ce dernier, président de Zegma Technologies, est mort dans un accident de voiture assez louche, et Chalifoux voudrait que Malacci fasse discrètement sa petite enquête. Avec ce cinquième polar mettant en scène son homonyme, Robert Malacci poursuit une oeuvre originale, impertinente et efficace, dans une langue qui mêle joyeusement joual, argot et anglicismes. Éd. Alire, 2002, 214 p. (M.-C. F.)
Les Quatre Saisons de Violetta
de Chrystine Brouillet
Elle a touché à tout, notre reine du crime préférée. Romans policiers, romans historiques, livres jeunesse ou recueils de recettes. Mais avec Les Quatre Saisons de Violetta (qui sort ces jours-ci), mêlant allègrement l’histoire et le fantastique, l’auteure du Collectionneur et des Neuf Vies d’Édouard arrive encore à sortir des sentiers battus. Au solde d’un pari tenu devant le cercle des sorciers, Lorenzo, seigneur des ténèbres, doit relever un sordide défi: posséder sa propre fille, mi-mortelle, mi-magicienne, avant l’année 2002. Entre le XVIIIe et aujourd’hui, Venise et Varsovie, le jazz et la musique classique, on nous promet un voyage inoubliable. Éd. Denoël. (M.-C. F.)
Le Cycle du Pouvoir du sang
Renaissance (Tome 3)
Nancy Kilpatrick s’est fait connaître au Québec avec L’Enfant de la nuit, premier tome du Pouvoir du sang, où l’on faisait la connaissance de Michel, le fils de Carole, une mortelle et d’André, un vampire jaloux, complètement dysfonctionnel. On y découvrait également sa famille, une sorte de clan presque sympathique. Ils restent toutefois des créatures dominatrices, plus caractérielles que sensuelles, comme le prouve ce troisième volet (le second était La Mort tout près). Ces trois romans se déroulent à Montréal, et particulièrement au cimetière Côte-des-Neiges. On croise plusieurs lieux connus d’une ville que l’on ne s’imaginait pas pouvoir être aussi "gothique". Si vous aimez les romans de vampire, ceux-ci se lisent comme de l’eau, mais à la longue, il faut l’avouer, manquent un peu de profondeur. Que cela ne vous empêche pas de découvrir une nouvelle plume, celle d’une romancière peut-être moins spectaculaire qu’Anne Rice, mais plus fine. Renaissance est le dernier tome de cette série. Éd. Alire, 448 p. (P. N.)
Mystic River
de Dennis Lehane
Ce n’est pas un secret pour les lecteurs de Ténèbres, prenez-moi la main: Dennis Lehane s’impose comme l’une des nouvelles vedettes du roman noir américain. Et attendez de lire Mystic River, son sixième titre – son quatrième traduit en français -, et probablement son plus fort. En délaissant ici ses héros familiers, Angie et Patrick, Lehane abandonne aussi les touches d’humour qui lui sont coutumières, au profit d’une renversante noirceur tragique. Jamais n’était-il allé aussi en profondeur dans l’abîme de personnages tourmentés, que dans ce thriller psychologique obsédant.
L’assassinat d’une jeune fille force de sombres retrouvailles entre trois anciens copains, 25 ans après le kidnapping du plus faible d’entre eux par des pédophiles. L’un est devenu flic, l’autre est un voleur repenti, et le troisième, le pathétique Dave, cache peut-être un assassin… Traduit de l’anglais par Isabelle Maillet, Rivages, 2002, 408 p. (M. L.)
Le Lac de glace
de John Farrow
Deux ans après La Ville de glace, Trevor Ferguson, alias John Farrow, revient au polar, rameutant le tandem, Cinq-Mars, sergent-détective de la police de la Communauté urbaine de Montréal, et son adjoint Bill Mathers. Cette-fois, Ferguson/Farrow délaisse les milieux des motards criminalisés pour investir ceux des grandes compagnies pharmaceutiques. À Manhattan, des sidéens meurent les uns après les autres, pauvres cobayes victimes de leurs espoirs. La police new-yorkaise a des raisons de croire que les responsables de ces morts se cachent au Québec. Or, on repêche, sous la glace du lac des Deux Montagnes, le corps d’un homme qui travaillait pour un laboratoire pharmaceutique testant en secret un nouveau traitement. Un polar qui n’a certes pas la force de frappe de La Constance du jardinier, de John Le Carré, mais qui se lit avec grand plaisir. Éd. Grasset Thriller, 2002, 426 p. (M.-C. F.)
Loisirs, Plein air, Voyages
Botanique et horticulture dans les jardins du Québec, Guide 2002
Ce livre est un peu fouillis, mais on y trouve des informations intéressantes sur les plantes, les jardins, les fleurs et l’histoire de la botanique. Plus qu’un guide de jardinage, l’ouvrage s’adresse à ceux qui possèdent tout de même quelques connaissances de base, de manière à tirer le maximum de la lecture. Les spécialistes de l’horticulture (provenant des différents grands jardins du Québec parmi lesquels le Domaine Joly-De Lotbinière, les Jardins de Métis) présentent leurs sélections, donnent leur point de vue sur leurs diverses cultures, et prodiguent certains conseils. On mêle donc propos de collectionneurs à trucs de jardiniers, et on consacre même quelques pages à des jardins pour enfants, façon de former la relève. Une lecture utile, mais peut-être pas pratico-pratique. Contient de très belles photos couleur. Éd. Multimondes, 2002, 232 p. Publié avec le concours de plusieurs sociétés d’horticulture. (P. N.)
Les Sentinelles du Saint-Laurent
Sur la route des phares du Québec
de Patrice Halley
Idée originale que ce livre sur les phares qui jalonnent les côtes et les îles du Québec. Le photographe-journaliste Patrice Halley est connu pour son travail avec des magazines comme le National Geographic, L’actualité, ou encore Terre sauvage. Il présente dans cet ouvrage la route des phares qui ont été construits à la fois pour indiquer aux marins "l’entrée des ports de commerce", mais aussi pour éclairer la mer. Le premier phare fut érigé à l’île verte, au large des côtes entre Rimouski et Rivière-du-Loup, en 1807. Ses lampes étaient alimentées à l’huile de phoque. C’est l’aspect patrimonial et historique que développe Halley dans son livre, préfacé par Joël Le Bigot; l’auteur évoque la vie des gardiens de phare, de leurs familles; la construction technique et architecturale des phares, leur situation géographique, leur histoire et celle des gens qui tentent de les sauver, de les rénover, ou de les incorporer au tourisme de leur région. Un très beau livre, aux superbes photos, qui nous fait vraiment voir le monde autrement. Éd. de l’Homme, 2002, 256 p. (P. N.)