Lectures d’été : Prendre le large
Ça y est: vous humez l’air qui embaume les lilas, le muguet, et surtout… les vacances (même très courtes) qui approchent. Voici quelques suggestions de biographies, romans, polars et autres, en vue de délicieux farnientes.
Romans, écrits, nouvelles
Voyage au Portugal avec un Allemand
de Louis Gauthier
Obsédé par sa solitude, par l’idée qu’il pourrait disparaître sans laisser de traces, le narrateur du Voyage au Portugal avec un Allemand, de Louis Gauthier, fait s’alterner pensées et images de voyage sur les pages de ce roman plein de magie, et s’invente dans un geste de survie des détours imprévus à son destin chagrin. Louis Gauthier compose depuis près de 25 ans des récits et des romans qui ne font pas de bruit, mais laissent des traces. Et cet étrange, mémorable voyage immobile, récit d’un écrivain obsédé par le roman qu’il n’arrive pas à écrire, en laissera de profondes, d’indélébiles, au coeur de ses lecteurs. Éd. Fides, 2002, 180 p. (M.-C.Fortin)
Un nouveau Michel Tremblay
Ils sont fort attendus, ces Bonbons assortis, prochain recueil de récits autobiographiques signés Michel Tremblay. Dans la lignée de ses Douze coups de théâtre et autres Vues animées, mais sans thématique précise, cette fois, l’auteur nous offre de partager quelques souvenirs marquant de sa petite enfance – son premier matin à l’école, ses amis et amies de la rue Fabre. À paraître le 25 juin (aux éditions Leméac) le jour même où Tremblay célébrera son 60e anniversaire. (M.-C.Fortin)
Riches et célèbres
de Kurt Andersen
Lui, la belle quarantaine, travaille comme producteur de télé pour une firme dirigée par le multimillionnaire Harold Mose. Elle, femme d’affaires hors pair, dirige une compagnie de logiciels qui fait l’envie de tous, en particulier du géant Microsoft. Leurs trois enfants, surdoués, vont dans les meilleures écoles privées. Qu’est-ce qu’ils pourraient désirer de plus? Écrit par le cofondateur du magazine Spy et ex-rédacteur en chef du New York magazine, Riches et célèbres est une caricature décapante des milieux hyper branchés new-yorkais. Un roman féroce et tendre qui dépeint avec brio l’Amérique de l’an 2000, au temps de l’innocence. Calmann-Lévy, 2002, 652 p. (M.-C.Fortin)
La Fête au Bouc
de Mario Vargas Llosa
Après Gabriel Garcia Marquez (L’Automne du patriarche) et Augusto Roa Bastos (Moi, le suprême), c’est au tour de Mario Vargas Llosa d’y aller de son "roman de dictateur", un genre à part entière, dit-on, en Amérique latine. Avec La Fête au Bouc, l’auteur de La Tante Julia et le Scribouillard compose un grand roman sur fond d’histoire vraie, celle de la République dominicaine des années Trujillo, ce tyran qui a fait régner la terreur pendant trois décennies jusqu’à son assassinat en 1961. À travers l’ultime rencontre entre un père et sa fille, Mario Vargas Llosa réussit à faire revivre de façon éblouissante une terrible page d’histoire. Éd. Gallimard, 2002, 603 p. (M.-C.Fortin)
La Châtelaine de Mallaig
de Diane Lacombe
Les paysages désolés des Highlands, les guerres de clans médiévales, une romance difficile: La Châtelaine de Mallaig a tout pour plaire aux lectrices avides de romans historiques. Sis en Écosse en 1424, le premier roman de Diane Lacombe suit la jeune Gunelle, héritière raffinée des Lowlands, jusqu’à Mallaig, dans le Nord barbare, où elle doit prendre mari. Avec son histoire d’amour-haine entre la fière héroïne et le chevalier courageux et tourmenté, l’intrigue dégage parfois d’incontestables accents "harlequinesques". Mais ça n’empêche pas de suivre avec plaisir ces personnages bien dessinés. La prenante peinture d’époque, la qualité de l’écriture et la maîtrise du récit font de La Châtelaine… une parfaite friandise estivale. Éd. VLB, 2002, 535 p. (M.Labrecque)
Le Carnet de Léo
de Danielle Dubé
Après avoir remporté le prix Robert-Cliche pour Les Olives noires en 1984, et publié Un été en Provence, un récit de voyage, en 1999, Danielle Dubé plonge dans un roman plus profond, plus psychologique aussi, où le rôle du père, Léo, est central. C’est en fait sa disparition qui insuffle aux personnages, et particulièrement à la narratrice, leurs questionnements, leurs doutes sur cette figure essentielle. Bien sûr, c’est soi-même que l’on découvre au bout du compte, et les autres membres de la famille que l’on voit sous un autre jour. On boit, mange et aime beaucoup dans ce roman très terrien; on voyage aussi, physiquement et à rebours dans le temps, celui de ses souvenirs d’enfance, partagés avec les frères et soeurs. Un style tout simple, mais un récit touchant. Éd. XYZ, 2002, 197 p. (P.Navarro)
Pop Wooh
Popol Vuh, le Livre du temps
Histoire sacrée des Mayas quichés
Cet ouvrage est plus qu’un roman, puisqu’il serait le livre originel écrit d’abord en quiché (la langue indigène maya) puis traduit en espagnol en 1550. Le traducteur et auteur Pierre DesRuisseaux a préparé cette nouvelle traduction avec la collaboration de sa compagne Daisy Amaya, elle-même latino-américaine. Ce texte présente en fait la vision qu’avaient du monde les Mayas, leur mythologie, leur conception de la création. Les deux auteurs de cette nouvelle version se sont inspirés bien évidemment des anciennes traductions et fournissent en appareil critique une série de notes auxquelles les amateurs peuvent se référer. Éd. Triptyque / Le Castor astral, 249 p. (P.Navarro)
Mistouk
de Gérard Bouchard
Mistouk, c’est le petit village du Saguenay où grandit le héros plus grand que nature de cette épopée couleur bleuet: né en 1887, l’aîné d’une famille de pauvres colons, Méo Tremblay étonne par sa taille démesurée et par la force de son appétit de vivre. Bientôt, ce personnage attachant parcourra toute l’Amérique… Déjà auteur d’essais (Genèse des nations et cultures du Nouveau Monde) et d’ouvrages spécialisés, le Chicoutimien Gérard Bouchard signe ici son premier roman. Le prof d’histoire et de sociologie donne vie à des faits et à des personnages qu’il assure "presque tous véridiques", mais avec une ampleur et une saveur romanesques, dans une langue descriptive. Nous vous en reparlerons bientôt plus en profondeur. Éd. du Boréal, 2002, 520 p. (M.Labrecque)
Polars / Thrillers
Wonderland Avenue
de Michael Connelly
Tout commence un soir d’hiver où un chien au nom prédestiné de Calamity déterre un os, dans un boisé de Wonderland Avenue, à L.A. Un os que son maître, un docteur à la retraite, identifie sans hésitation comme étant celui d’un enfant. Dépêché sur les lieux, l’inspecteur Harry Bosch mène l’enquête. City of bones, le titre original du dernier Michael Connelly, donnait davantage l’atmosphère de cette enquête qui mettra la foi de l’inspecteur à dure épreuve. Or grâce, entre autres, au soutien moral et à l’affection d’une nouvelle recrue, par ailleurs très jolie, il finira bien par faire la lumière sur cette triste histoire. Un très bon Connelly, qu’on se gardera pour les meilleurs jours des vacances, en attendant de voir l’adaptation au cinéma de Créance de sang, produit et réalisé par Clint Eastwood. Éd. Seuil policiers, 2002, 338 p. (M.-C.Fortin)
Sac de noeuds
de Robert Malacci
Pour Malacci, photographe au quotidien Écho-Matin, les vacances en Guadeloupe n’auront pas été de tout repos. Non seulement se retrouve-t-il mêlé à un meurtre, mais en plus il se voit obligé de retourner au Québec de toute urgence à la demande de son employeur, Chalifoux, grand patron d’Écho-Matin. Un ami de ce dernier, président de Zegma Technologies, est mort dans un accident de voiture assez louche, et Chalifoux voudrait que Malacci fasse discrètement sa petite enquête. Avec ce cinquième polar mettant en scène son homonyme, Robert Malacci poursuit une oeuvre originale, impertinente et efficace, dans une langue qui mêle joyeusement joual, argot et anglicismes. Éd. Alire, 2002, 214 p. (M.-C.Fortin)
Les Quatre Saisons de Violetta
de Chrystine Brouillet
Elle a touché à tout, notre reine du crime préférée. Mais avec Les Quatre Saisons de Violetta, mêlant allègrement l’histoire et le fantastique, l’auteure du Collectionneur et des Neuf Vies d’Édouard arrive encore à sortir des sentiers battus. Au solde d’un pari tenu devant le cercle des sorciers, Lorenzo, seigneur des ténèbres, doit relever un sordide défi: posséder sa propre fille, mi-mortelle, mi-magicienne, avant l’année 2002. Entre le XVIIIe et aujourd’hui, Venise et Varsovie, le jazz et la musique classique, on nous promet un voyage inoubliable. Éd. Denoël. (M.-C.Fortin)
Le Cycle du Pouvoir du sang
Renaissance (Tome 3)
Nancy Kilpatrick s’est fait connaître au Québec avec L’Enfant de la nuit, premier tome du Pouvoir du sang, où était conçu Michel, le fils de Carole, une mortelle, et d’André, un vampire. On y découvrait également sa famille, une sorte de clan presque sympathique. Ils restent toutefois des créatures dominatrices, plus caractérielles que sensuelles, comme le prouve ce troisième volet (le second était La Mort tout près). Si vous aimez les romans de vampire, ceux-ci se lisent comme de l’eau, mais à la longue, il faut l’avouer, manquent un peu de profondeur. Que cela ne vous empêche pas de découvrir une nouvelle plume, celle d’une romancière peut-être moins spectaculaire qu’Anne Rice, mais plus fine. Éd. Alire, 448 p. (P.Navarro)
Mystic River
de Dennis Lehane
Ce n’est pas un secret pour les lecteurs de Ténèbres, prenez-moi la main: Dennis Lehane s’impose comme l’une des nouvelles vedettes du roman noir américain. Et attendez de lire Mystic River, son sixième titre – son quatrième traduit en français -, et probablement son plus fort. En délaissant ici ses héros familiers, Angie et Patrick, Lehane abandonne aussi les touches d’humour qui lui sont coutumières, au profit d’une renversante noirceur tragique. Jamais n’était-il allé aussi en profondeur dans l’abîme de personnages tourmentés, que dans ce thriller psychologique obsédant. Traduit de l’anglais par Isabelle Maillet, Rivages, 2002, 408 p. (M.Labrecque)
Le Lac de glace
de John Farrow
Deux ans après La Ville de glace, Trevor Ferguson, alias John Farrow, revient au polar. Cette-fois, il délaisse les milieux des motards criminalisés pour investir ceux des grandes compagnies pharmaceutiques. À Manhattan, des sidéens meurent les uns après les autres, pauvres cobayes victimes de leurs espoirs. La police new-yorkaise a des raisons de croire que les responsables de ces morts se cachent au Québec. Or, on repêche, sous la glace du lac des Deux Montagnes, le corps d’un homme qui travaillait pour un laboratoire pharmaceutique testant en secret un nouveau traitement. Un polar qui n’a certes pas la force de frappe de La Constance du jardinier, de John Le Carré, mais qui se lit avec grand plaisir. Éd. Grasset Thriller, 2002, 426 p. (M.-C.Fortin)