Intestine : Simon Bossé
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Intestine : Simon Bossé

Acteur incontournable de la bande dessinée montréalaise, Simon Bossé s’est longtemps consacré à l’oeuvre des autres. Il l’a fait à travers son travail de sérigraphe (entre autres à L’Oie de Cravan, pour qui il a réalisé de nombreuses couvertures) et au moyen de sa maison d’édition "Mille Putois" (un nom qui était aussi celui de son "comic book", paru de 1990 à 1992).

Acteur incontournable de la bande dessinée montréalaise, Simon Bossé s’est longtemps consacré à l’oeuvre des autres. Il l’a fait à travers son travail de sérigraphe (entre autres à L’Oie de Cravan, pour qui il a réalisé de nombreuses couvertures) et au moyen de sa maison d’édition "Mille Putois" (un nom qui était aussi celui de son "comic book", paru de 1990 à 1992).

Créateur discret au cours de la dernière décennie toutefois, on n’a pu lire ses propres bandes dessinées qu’éparpillées dans une dizaine de revues et collectifs. Ses plus récentes collaborations, dans Cyclope et dans la gigantesque anthologie internationale Comix 2000, où il représentait le Canada, nous conviaient à un univers fascinant et personnel, mariant subtilement l’allégorie et la vie quotidienne. Elles nous révélaient surtout un graphisme d’une grande beauté, apparenté à l’illustration pour enfants.

Alors qu’on désespérait de ne jamais pouvoir apprécier un livre complet peint de la même encre, voici que paraît Intestine, premier véritable album de Simon Bossé. Cette magnifique BD reprend le thème du démon intérieur, cher à l’auteur. Un diablotin, aux allures vaguement félines (le chat est aussi un motif récurrent chez Bossé), poursuit un jeune homme qui le fuit dans toute la ville, un Montréal étrangement dépeuplé mais dont on reconnaît différents monuments et quartiers. Parmi ceux-ci figure le parc Jeanne-Mance, où domine un archange protecteur et apaisant qui remplacera auprès du héros la terrible bête, fruit de ses angoisses.

De la suffocation initiale à la libération finale, le lecteur suit un curieux parcours qui ne dévoile tout son sens qu’à la dernière case de l’album. Sans texte, la bande dessinée de Bossé est d’une surprenante clarté narrative, avec son ouverture insolite, ses trois chapitres, sa chute finale et ses cases noires faisant office de points de suspension. Comme dans ses courts récits cités plus haut, également muets, l’auteur nous fait passer d’un univers métaphorique et symbolique à la réalité crue de la condition humaine. Ce faisant, il nous prouve que non seulement la bulle n’est pas indispensable pour faire "parler" la BD, mais aussi que son absence multiplie les possibilités de "lecture" et d’interprétation du message.

Véritable bande peinte dont chacune des 104 cases doit être lentement admirée, Intestine accumule les tons de gris qui rendent admirablement les reliefs, les textures et les tons de lumière. Mentionnons que l’oeuvre paraît à L’Oie de Cravan, maison spécialisée dans la poésie et l’illustration. L’édition étant davantage un art qu’une entreprise commerciale à L’Oie, son maître d’oeuvre Benoît Chaput ne lésine pas sur la qualité de l’impression et du papier, traitement qui demeure le plus bel hommage qu’on pouvait faire à cette oeuvre.

Il nous reste à espérer qu’Intestine ne soit pas la dernière monographie d’un grand bédéiste. Éd. L’Oie de Cravan, 2002, 34 p.

Intestine
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Simon Bossé