La Cucina : Quand l'appétit va tout va
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La Cucina : Quand l’appétit va tout va

Rosa Fiore a une règle dans sa vie: elle cuisine, à qui mieux mieux, chaque fois que se présente un drame, un chagrin d’amour, ou alors, pour le simple plaisir des célébrations. Rosa adore manger, confectionner ses pâtes, son pain, faire ses saucisses, même au beau milieu de la nuit. La cuisine l’apaise, la rend heureuse, la réconcilie avec la vie.

"Dépose un tas de farine sur la table, la vieille table de chêne qu nous vient de Nonna Calzino, patinée par des années d’usage quotidien. Il en faut juste assez, ni trop, ni trop peu. De la fine farine de blé dur du moulin de Papa Grazzi à Mascali. Ajoute une bonne pincée de sel. Fais un puits et casses-y des oeufs entiers extra-frais, plus quelques jaunes, puis incorpore un filet d’huile d’olive premier choix et quelques cuillérées d’eau froide."

Ce sont les premiers mots du roman. On pourrait continuer à décrire les recettes que donne la délicieuse narratrice tout au long de La Cucina, roman de l’Anglaise Lily Prior.

Rosa Fiore a une règle dans sa vie: elle cuisine, à qui mieux mieux, chaque fois que se présente un drame, un chagrin d’amour, ou alors, pour le simple plaisir des célébrations. Rosa adore manger, confectionner ses pâtes, son pain, faire ses saucisses, même au beau milieu de la nuit. La cuisine l’apaise, la rend heureuse, la réconcilie avec la vie.

Rosa commence son récit en présentant sa vieille famille sicilienne (le roman se déroule en Sicile tout du long), les Fiore, des fermiers fiers et travaillants. Elle a six frères sans compter Guerra et Pace (Guerre et Paix), des siamois qui naissent quand elle a huit ans. Elle se prend d’affection pour eux, les "garçons" comme elle les appelle, et de toute façon personne ne s’en occupe, par peur, par superstition, par bêtise. Dans cette campagne catholique des années 40, la nature est paradisiaque, prodiguant d’exquis fruits et légumes, de savoureuses viandes et de riches laitages, bref, tout ce qu’il faut pour faire une cuisine du diable.

Rosa est une jeune fille sage, rangée, réservée, qui obéit à ses parents et surtout à sa mère, terrifiante d’autorité. "Elle régnait sur la fattoria comme l’Ange exterminateur dont le regard nous foudroie du haut de la frise frontale de la Chiesa di San Pietro. Tout le monde la craignait. D’après Papa, ses yeux noirs pouvaient cracher du venin comme un aspic, mais je ne l’ai jamais vue faire ça."

Un beau jour, Rosa tombe amoureuse de son petit ami d’enfance, Bartoloméo. Tous deux s’échappent un soir pour se conter fleurette, mais dans un petit village tout se sait. Lui qui était promis à une autre déshonore sa famille et on le lui fait payer très cher. Rosa quittera son village pour la grande ville, où nous la retrouvons 25 ans plus tard, installée dans une petite chambre, travaillant comme bibliothécaire, mais toujours passionnée par la cuisine, et ses rituels qui occupent tout son temps libre. "Pauvre de moi, trempée comme une soupe. Mon parapluie risquait sans cesse de se retourner et j’avais du mal à le tenir en même temps que mes paquets. J’étais obligée de jongler en permanence. Pas question en effet de lâcher mes oeufs frais, ni mes tendres brocolis, et encore moins ma tranche de thon d’un rose délicat sous la peau satinée, si douce au toucher."

Cette sensualité, Rosa ne la connaît encore que dans la nourriture, mais il lui reste un autre domaine à découvrir, où ses sens s’épanouiront.

Le roman de Lily Prior est un petit bijou. Transportant ses lecteurs dans des lieux bucoliques, elle raconte avec tendresse et humour l’éveil d’une femme à sa sexualité. On sourit fréquemment au fil des pages, mais on a aussi envie de noter les recettes de cuisine comme cette torta di ricotta, que Rosa se confectionne parce qu’elle n’arrive pas à dormir, ou le timballo, un plat cuisiné par l’aristocratie sicilienne, comme le rapporte l’érudite narratrice.

Un roman plein de finesse, de truculence, qui se déguste, qui fait rire, qui instruit, et auquel on peut prédire un très grand succès. Éd. Grasset, 2002, 296 p.

La Cucina
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Lily Prior