Chrystine Brouillet : Système B.
Méthodique, studieuse, appliquée, Chrystine Brouillet est l’une des rares romancières québécoises qui aient fait de l’écriture leur gagne-pain. Avec Les Quatre Saisons de Violetta, l’auteure de polars, de sagas historiques et de livres jeunesse met tous ses talents au service d’une même histoire.
À Paris, au mois de mars 1719, au moment même où une éclipse de soleil plonge la ville dans la pénombre, la jeune Flora Renosto met au monde une petite fille qu’elle appellera Violetta, à cause de la couleur rare, violacée, de ses yeux. Cette enfant, Flora l’a littéralement arrachée au joug de son géniteur, Lorenzo, un sorcier proche parent de Satan qui, dans l’autre monde, a fait un pari sinistre: abuser puis séduire l’enfant qui naîtrait de son union avec une humaine. L’enjeu de ce manège cruel: s’approprier "une partie de ses pouvoirs. Bien sûr, Lorenzo ne posséderait pas tous les dons de la terre s’il gagnait, il devrait en choisir deux, mais il aurait franchi une des étapes qui lui permettraient de se présenter dans le Quatrième Cercle". Or, les règles du jeu établies par les autorités de l’au-delà sont extrêmement complexes. Au moindre faux pas, Lorenzo peut voir sa proie lui échapper. Ainsi Violetta se réincarnera quatre fois, à quatre époques, en quatre lieux différents. Nous verrons Lorenzo la traquer à Venise au XVIIIe siècle, à Varsovie au temps de l’occupation allemande, à Chicago à l’époque d’Al Capone, puis dans le Paris contemporain. Pour l’auteure du Collectionneur et de Marie LaFlamme, c’était l’occasion de mettre tous ses talents au service d’une même histoire. Son art du suspense (car Lorenzo, tout sorcier qu’il soit, est bel et bien un psychopathe, un véritable tueur en série!); son sens de la reconstitution historique et son intérêt pour la sorcellerie qui ressortaient des trois tomes de Marie LaFlamme; et le goût du jeu, du merveilleux, de la fantaisie qui anime l’auteure chérie des enfants, qui lui ont décerné deux fois le Signet d’or. Pourtant, ce roman au long cours, lecture d’été idéale, a été son livre "le plus difficile à écrire. Et le plus long. C’était très organisé, raconte Chrystine Brouillet, je voulais parler de quatre époques qui correspondraient aux quatre éléments, j’avais 100 livres de documentation, en plus du soutien inestimable de mon recherchiste, Gilles Langlois, pour tous les détails à vérifier". Elle est allée suivre un cours intensif de parfumerie à Paris car, entre autres dons, Violetta possède un odorat exceptionnel. Elle a consulté un professeur de violon car elle est aussi une musicienne virtuose. Elle a lu sur les serpents, car Violetta, comme sa mère, a le pouvoir de les attirer. Insécure, la créatrice de l’inspectrice Maud Graham? "Je suis tellement angoissée quand j’écris, j’ai tellement peur d’écrire des choses inintéressantes, que j’ai besoin de me rassurer avec la documentation. Quand j’ai fait mes devoirs, je me dis qu’au moins ce que j’ai écrit est vérifié, c’est correct. Le reste, l’histoire, les personnages, on les aimera ou pas. Mais j’aurai mis le maximum de chances de mon côté."
Et si on lui a déjà reproché de faire des romans trop didactiques (du "polar CLSC", disait Norbert Spehner dans Le Roman policier en Amérique française [Éd. Alire], à propos de C’est pour mieux t’aimer, mon enfant), Chrystine Brouillet ne se démonte pas. "Je ne vois pas pourquoi un roman ne pourrait pas aussi nous apprendre quelque chose. L’un des plus beaux compliments qu’on m’ait faits, c’est justement à propos de C’est pour mieux t’aimer, mon enfant. Des infirmières qui l’ont lu m’ont dit que le roman était devenu pour elles une référence sur le syndrome de Munchausen par procuration."
Sur sa table de salon, son agenda ouvert, rempli de sa petite écriture en pattes de mouches, une boîte de chocolats aux fines herbes de Daniel Gendron ("un pur délice"), le dernier Michael Connelly, Wonderland Avenue ("c’est tellement bon, j’avais tellement hâte de le lire!"), un livre de recettes pour le barbecue de Steven Raichlen ("un must!), et ses plans, cahiers et notes de travail qui l’ont suivie tout au long de la rédaction des Quatre Saisons… C’est tout Chrystine Brouillet qui est là. La gourmande qui adore cuisiner, la lectrice et auteure de polars, et la travailleuse infatigable, aussi disciplinée que peu sûre d’elle.
En attendant de voir comment son dernier roman sera reçu ("on ne sait jamais!!!"), Chrystine Brouillet a déjà commencé les recherches pour le prochain. Un polar, cette fois, qui marquera le retour de Maud Graham.
Les Quatre Saisons de Violetta de Chrystine Brouillet
Denoël, 2002, 702 pages