Bonbons assortis : Sucré salé
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Bonbons assortis : Sucré salé

Dans Les Vues animées (1990), premier volet de ses souvenirs d’enfance, Michel Tremblay évoquait les films qui avaient profondément marqué son imaginaire, de Bambi à Vingt mille lieues sous les mers. Avec Douze coups de théâtre (1992), l’auteur des Belles-Soeurs poursuivait le récit de ses mémoires en 12 pièces mémorables, le théâtre devenant prétexte à faire revivre les personnages de son enfance – son père travailleur dans l’imprimerie; les voisines à leur corde à linge, dans la ruelle de la rue Fabre; et les buveurs attardés de la Taverne  Raymond.

Dans Les Vues animées (1990), premier volet de ses souvenirs d’enfance, Michel Tremblay évoquait les films qui avaient profondément marqué son imaginaire, de Bambi à Vingt mille lieues sous les mers. Avec Douze coups de théâtre (1992), l’auteur des Belles-Soeurs poursuivait le récit de ses mémoires en 12 pièces mémorables, le théâtre devenant prétexte à faire revivre les personnages de son enfance – son père travailleur dans l’imprimerie; les voisines à leur corde à linge, dans la ruelle de la rue Fabre; et les buveurs attardés de la Taverne Raymond… Avec Un ange cornu avec des ailes de tôle (1994), c’était la passion de la lecture que Tremblay partageait avec sa mère, personnage incontournable à l’amour dévorant qui traverse tout son oeuvre.

Lancé le 25 juin dernier, le jour de son soixantième anniversaire, Bonbons assortis poursuit dans la même veine autobiographique, mais cette fois sans thématique pour lier le tout, outre celle, évidemment, de la petite enfance. Souvenirs épars, les huit textes du recueil évoquent huit temps forts de l’enfance de Tremblay, des moments marquants qui ne sont liés ni au cinéma ni au théâtre, mais qui ont tout autant contribué à nourrir son oeuvre et à façonner son imaginaire. Le fier orgueil de sa mère, dans Le Cadeau de noces (véritable petit chef-d’oeuvre de finesse, de drôlerie, d’humanité), laquelle, plutôt que de passer pour pauvre, préfère donner son précieux "plat à pinottes" (rare "preuve de richesse, ou du moins, de relative aisance" de la famille Tremblay) à la fille de sa voisine qui se marie. La consternation du petit Michel, dans Sturm Une Drang, devant le tohu-bohu endiablé qui gagne la maison de la rue Fabre lors d’un mémorable orage suivi d’une panne d’électricité ("J’ai échappé ma chandelle dans mon lit! J’ai échappé ma chandelle dans mon lit! Ah, la v’là! Ma chandelle est éteinte! Ma chandelle est éteinte!"), et l’intense sentiment de bonheur qui l’envahit quand son père l’invite à grimper sur ses épaules pour faire le tour de la maison, histoire de voir "si y a pas une boule de feu qui se cache quequ’part". L’émerveillement de l’enfant découvrant en même temps le "disque de l’AVENIR", le 45 tours, et Le Chanteur de Mexico, de Luis Mariano, que tout le monde dans la maison idolâtrait sauf le père ("Avec les culottes qu’y porte sur le portrait, y peut ben chanter avec c’te voix haute là! Y chante comme un serrement de gosses!"). Le drame causé par la paire de Souliers de satin que la maman a achetée à son fils pour sa première communion, et qu’il portera, au prix d’intenses souffrances, pour ne pas lui faire de peine.

Il y a, dans ces huit textes, beaucoup plus de temps forts que de moments faibles. Osons seulement une petite réserve: dans certains récits, notamment La Passion Teddy et Nouvelle Preuve irréfutable de l’existence du Père Noël, l’auteur s’attendrit un peu trop pesamment devant le petit garçon si naïf qu’il était. Mais dans l’ensemble, le meilleur de Tremblay se retrouve dans ces Bonbons assortis: le dialoguiste hors pair, le portraitiste surdoué, le mémorialiste attentif, et surtout, l’écrivain qui arrive à retrouver le don, propre à l’enfance, de s’émerveiller.

Bonbons assortis
par Michel Tremblay

Leméac / Actes Sud

2002, 179 pages