Le Temps de chien : Manu Larcenet
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Le Temps de chien : Manu Larcenet

Scénariste des premiers albums de Lucky Luke, René Goscinny avait compris le potentiel humoristique qu’offrait la confrontation entre une Europe sophistiquée et savante, parfois naïve, et une Amérique inculte et violente où règne la loi du plus fort.

Scénariste des premiers albums de Lucky Luke, René Goscinny avait compris le potentiel humoristique qu’offrait la confrontation entre une Europe sophistiquée et savante, parfois naïve, et une Amérique inculte et violente où règne la loi du plus fort. L’arrivée au Far West du "pied-tendre" devenant un motif récurrent de la série, on pouvait voir dans La Guérison des Dalton un psychanalyste allemand atterrissant dans l’Ouest américain dans le but de réhabiliter les criminels. La thérapie ne fonctionnait (involontairement) qu’auprès de Rantanplan, le chien du pénitencier, qui se complaisait à parler des traumatismes de son enfance, tandis que le thérapeute, manipulé par les Dalton, devenait lui-même un brigand à la fin de l’histoire.

On ne peut s’empêcher de penser à cet album lorsqu’on commence à lire le premier volume d’Une aventure rocambolesque de Sigmund Freud de Manu Larcenet, lequel a eu assez de cran pour se lancer dans une série BD entièrement consacrée au père de la psychanalyse. Au début de son premier épisode, intitulé Le Temps de chien, le vieux Sigmund, fatigué des Viennoises hystériques, débarque aux États-Unis en compagnie de son valet Igor, décidé à être le premier psychanalyste des Américains et à épater les bonzes de l’Académie à son retour en Autriche.

Le problème, c’est que Sigmund ne trouve pas de sujet adéquat pour ses expériences, se rendant compte que "ce pays semble être divisé en deux: d’un côté les victimes, de l’autre les bourreaux…". Il accepte donc de se rabattre sur la guérison d’un chien qui, traumatisé par les paroles d’un pasteur, est à la recherche de son âme. Le récit devient alors nettement plus surréaliste que l’album de Goscinny, lequel versait principalement dans la parodie des manies savantes et des différences culturelles. L’humour de Larcenet est aussi plus corrosif. À la suite d’une rencontre avec un chaman, qui a introduit des champignons magiques dans son repas, Freud rêve par exemple à sa mère qui lui fait des avances sexuelles. Le réveil sera brutal…

Avec Les Cosmonautes du futur et Les Entremondes, séries également parues dans la collection "Poisson Pilote", Manu Larcenet nous a habitués à des oeuvres non essentiellement divertissantes, où le rire fait souvent place à un univers obscur et inquiétant. Dans Le Temps de chien, les réflexions sur le sort des Indiens et les planches finales sanglantes à tonalité mystique poursuivent cette tendance intéressante. Un scénario éclaté en harmonie avec le graphisme original, sombre, et les couleurs, inspirées, de l’auteur. Éd. Dargaud, coll. "Poisson Pilote", 2002, 48 p.

Le Temps de chien
Le Temps de chien
Manu Larcenet