France Ducasse : La Vieille du Vieux
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France Ducasse : La Vieille du Vieux

Quel étrange roman que cette Vieille du Vieux – celui-ci faisant référence plutôt au Vieux-Québec qu’à un quelconque mari. France Ducasse s’est fait remarquer il y a une vingtaine d’années pour Du lieu des voyages (1983), La Double Vie de Léonce et Léonil (1985), romans qui lui promettaient, à lire les critiques de l’époque, un bel avenir littéraire, comparant le second titre à L’Avalée des avalés, rien de moins.

Quel étrange roman que cette Vieille du Vieux – celui-ci faisant référence plutôt au Vieux-Québec qu’à un quelconque mari. France Ducasse s’est fait remarquer il y a une vingtaine d’années pour Du lieu des voyages (1983), La Double Vie de Léonce et Léonil (1985), romans qui lui promettaient, à lire les critiques de l’époque, un bel avenir littéraire, comparant le second titre à L’Avalée des avalés, rien de moins. Puis vinrent Le Rubis (1994), La Matamata (1998), qui furent jugés plus ou moins réussis.

Avec ce cinquième roman, France Ducasse ne convaincra pas davantage. L’auteure y raconte l’histoire d’une musicienne, Octavia, une vieille femme qui vit dans le Vieux-Québec. Elle y fait la rencontre d’un jeune homme, Jean-Cri, qui, lui, "ne fréquente personne et semble sans âge". Octavia a des dons, en plus de bien jouer du piano: celui de faire parler Jean-Cri, plutôt enfermé dans une grande solitude.

La Vieille, qui nous est décrite comme une sorte de magicienne, racontera sa vie à son compagnon, et lui présentera des créatures que eux seuls peuvent voir: Claire-Obscure, une fille dont il ne reste que le fantôme; Isidore, qui dort toujours; Vol-au-Vent, qui ne pense qu’à… voler.

L’un des problèmes de ce roman est de taille, puisqu’il conditionne la lecture depuis le début du récit: "Alors, nous, derrière, pas le temps de freiner, nous glissons à travers lui. (…) Est-ce notre passage qui le paralyse?" Les personnages étant déjà difficiles à cerner, ce "nous", pronom vague et déroutant, complique les choses, traversant le roman sans jamais s’incarner, sans que l’on ne saisisse jamais "qui" parle. À cause de ce récit confus, il devient impossible de suivre les faits et gestes des héros.

Quant à l’écriture, sa poésie (beaucoup de jeux sur les assonances, mais pas toujours utiles à la narration), bien que présente, ne fait que rendre plus opaque le déroulement narratif. "La maison s’éclaircit à mesure que le travail progresse. Des vitres, Jean-Cri passe naturellement aux miroirs. Son image se précise comme au-dehors, le paysage. Pourtant, il ne voit rien de l’image reflétée sous ses doigts, il est trop occupé à redonner de l’éclat à la surface. Le miroir chante. Octavia l’appelle. Ainsi alliés, le nom et la note redonnent éclat et profondeur. Jean-Cri se voit enfin dans le miroir." À force de métaphores, parfois claires, parfois hermétiques, l’on perd le fil du récit, ne sachant trop ce qu’il faut prendre au pied de la lettre.

Il reste à ce roman de belles trouvailles comme ces fantômes de personnages que sont les "enfants" d’Octavia. Mais l’on aurait souhaité que l’auteure accompagne mieux son lecteur dans ce labyrinthe: peut-être en élaguant, afin de laisser émerger le conte qui se cache derrière tant de détours. Éd. Herbes rouges, 2002, 168 p.

La Vieille du Vieux
La Vieille du Vieux
France Ducasse