D'en haut : de R.-J. Berg
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D’en haut : de R.-J. Berg

Le livre avait de quoi charmer. "Je peux beaucoup pardonner aux Français: leur imprévoyance historique, leur manie égalitaire, leur suffisance ombrageuse, Barthes. Je me dis, sans trop y croire, qu’il doit y avoir des circonstances atténuantes." Mais ce que n’excuse pas le narrateur de ce recueil de proses, c’est le "sabotage de leur langue".

Le livre avait de quoi charmer. "Je peux beaucoup pardonner aux Français: leur imprévoyance historique, leur manie égalitaire, leur suffisance ombrageuse, Barthes. Je me dis, sans trop y croire, qu’il doit y avoir des circonstances atténuantes." Mais ce que n’excuse pas le narrateur de ce recueil de proses, c’est le "sabotage de leur langue".

Dès la première page, le personnage nous est dévoilé par une tierce personne, le présentateur du recueil, qui confie en préface avoir reçu ces textes d’un confrère. "C’est alors que j’appris par le secrétariat du French Department, où nous étions collègues depuis 15 ans, qu’il avait remis sa démission."

Cet universitaire américain, auteur et docteur en lettres françaises (comme l’auteur R.-J. Berg), laisse l’enseignement, et donne à son ami cette liasse de documents. "Je ne prétends pas comprendre d’où tombent ces textes, mais j’ai la conviction que ses lecteurs comprendront."

Lecture pour "initiés": voilà la manière dont se donnent à lire ces courts récits de vie. L’auteur disserte sur les affres de l’existence, en dialoguant avec lui-même; il évoque la douleur de vivre, l’angoisse qui permet, parfois, une rédemption. "Il faut être malheureux – et profondément – ou bien l’avoir été, pour "comprendre" certains phénomènes: l’effroi cosmique d’un Pascal, le vertige sidéral d’un Loti, l’épouvante existentielle d’un Senancour. À moins de remplir la condition, la question du sens de la vie ne se pose même pas; d’où l’incompréhension des heureux devant les lamentations des grands angoissés."

Tout le recueil distille ces idées noires, et tisse une toile qui sépare le personnage du reste du monde, qu’il observe à la lumière de ses lectures philosophiques ou littéraires. Une maman rabaisse le caquet à une petite fille qui veut faire de "grandes choses" quand elle sera grande et indigne l’observateur; celui-ci rapporte une conversation dans laquelle il reproche à un ami sa lâcheté, à un autre, de marcher sur ses principes; ou encore, un échange où il se fait incisif et balance à ses interlocuteurs leur faiblesse d’esprit, leur manque de courage.

Le narrateur de ces courtes histoires a de l’estime pour lui-même, et ne craint pas de le dire. Il écrit bien, s’exprime bien, est cultivé, sans aucun doute. Il atteint certainement le but qu’il s’était fixé: prouver sa supériorité intellectuelle; mais Dieu qu’il n’est pas sympathique! Enfin, ce n’est certes pas l’intention du narrateur qui préfère son nuage, aussi gris soit-il, au plancher des vaches. Éd. Triptyque, 2002, 75 p.