Petites danses de Macabré : Noirs désirs
"Quoi de mieux qu’un écrivain pour donner une forme à la mort? Il sait nous la raconter, nous la présenter, nous la faire vivre, car dans sa tête elle est multiforme. Vue de loin, dans une scène anonyme, vue de proche, aux dépens d’un personnage cher; parfois même, seul son spectre plane au-dessus des événements."
"Quoi de mieux qu’un écrivain pour donner une forme à la mort? Il sait nous la raconter, nous la présenter, nous la faire vivre, car dans sa tête elle est multiforme. Vue de loin, dans une scène anonyme, vue de proche, aux dépens d’un personnage cher; parfois même, seul son spectre plane au-dessus des événements."
Claude Bolduc présente ainsi les 13 nouvelles qui composent ce recueil intitulé Petites danses de Macabré, dont le titre fait référence à un terme employé autrefois pour désigner un sinistre personnage. Le préfacier et directeur de l’ouvrage évoque également l’univers fantasmagorique d’Edgar Allan Poe, que certaines des nouvelles rappellent plus que d’autres. C’est qu’on n’est pas dans l’horreur ni dans les descriptions dégoulinantes d’hémoglobine, mais plutôt dans l’angoisse entretenue par des climats inquiétants.
Appartenant au genre fantastique, ces textes ont tous comme point commun de basculer dans l’étrangeté par le biais d’une apparition; mais les fantômes ne sont pas toujours humains et s’avèrent même parfois incarnés par de simples objets.
Les auteurs de ces nouvelles sont québécois d’origine outaouaise ou encore belges, français ou luxembourgeois. Impossible de ne pas remarquer cependant que le décor de nos écrivains fait plus que les autres une grande place à la nature: dans Reflets de lune, Jean-Claude Somain raconte l’histoire d’une bête étrange qui aurait de la mémoire. "Ce n’est pas n’importe quelle bête. C’est autre chose. Et rassure-toi, je ne suis pas fou", clame l’un des héros de cette nouvelle. Dans Vieille couvarte, signée Stéphane-Albert Boulais, une vieille Indienne vit seule au milieu d’une île et cache un secret dans sa solitude. Une couverture, presque un talisman, la suit partout et finit par se confondre avec cette nature enveloppante et mystérieuse.
Ailleurs, les intrigues se déroulent à l’ombre des familles qui enfouissent leurs souvenirs comme de vieux trésors maléfiques. Ainsi, Raymond Ouimet raconte dans La Photographie l’histoire d’un homme, Guillaume, que la vision d’une femme envahit. "Pendant trois mois, deux soirs par semaine, il eut beau consulter toutes les banques de données des archives, il ne trouva aucune trace d’elle. Pas le moindre remariage, pas même une sépulture, comme si Arthénice s’était volatilisée après le suicide de son mari."
Chez d’autres, c’est encore le passé qui refait surface, ou du moins c’est ce que l’on croit. Dans La Roue, du Belge Jean Mathieu, un inconnu sème l’inquiétude dans la tête d’un banquier venu en banlieue pour se reposer l’esprit. "Des soucis? Il n’y en avait jamais, sauf, peut-être, les fourmis. De drôles de fourmis blanches que personne n’avait jamais vues avant." Et qui annoncent la venue d’un insolite personnage.
Toutes les nouvelles tissent des liens entre réalité et imaginaire, dans lequel basculent chaque fois les terribles cauchemars des personnages, dont le quotidien se révèle un terrain miné. Bien que l’écriture ne soit pas efficace dans toutes les nouvelles, Petites danses de Macabré offre un aperçu convaincant des plumes noires d’aujourd’hui. Éd. Vents d’ouest, 2002, 194 p.