Revue de l'année : L'année en livres
Livres

Revue de l’année : L’année en livres

Plusieurs romans québécois ont marqué l’année 2002, à commencer par La Gloire de Cassiodore (Prix du Gouverneur général), de Monique LaRue, qui osait poser avec intelligence et humour l’essentielle question de l’enseignement de la littérature.

Plusieurs romans québécois ont marqué l’année 2002, à commencer par La Gloire de Cassiodore (Prix du Gouverneur général), de Monique LaRue, qui osait poser avec intelligence et humour l’essentielle question de l’enseignement de la littérature. Il y a eu le terrifiant Il n’y a plus d’Amérique, qui marquait le retour en force d’un Louis Caron plus du tout folklorique; la belle histoire du Coeur est un muscle involontaire, touchant hommage à Ducharme signé Monique Proulx; le triste sort de Dée, inoubliable héroïne de Michael Delisle; et bien sûr Les Yeux bleus de Mistassini, de Jacques Poulin. Mais si nous n’avions qu’un titre à retenir, ce serait celui de Jean-François Chassay, dont la parution, fin août, a eu l’effet d’une véritable secousse sismique.

"Je rêve d’un roman dur, cruel même, où le Québec serait l’objet d’une haine bien franche ou d’une ironie féroce. Ce roman nous rendrait fiers d’être Québécois", écrivait Gilles Marcotte dans l’intimité des Livres et des jours (Boréal), ce journal qu’il a tenu entre 1983 et 2001 et qui paraissait discrètement cet automne.

Eût-il attendu un an de plus que le romancier, essayiste et critique aurait vu son voeu exaucé. Car voilà précisément ce qu’est L’Angle mort, troisième roman de Chassay. Cruel, critique, féroce, maniant "avec joie l’arme acérée de l’ironie" pour faire un portrait sans merci du Québec actuel et de ses travers: son anti-intellectualisme, sa pusillanimité, ses insondables contradictions. Dans un contexte où, plus que jamais, la culture québécoise est frileuse et allergique à toute critique, la parution de L’Angle mort a eu l’effet galvanisant d’un coup de fouet.

Après L’Angle mort paraissait Ça va aller, le roman réquisitoire de Catherine Mavrikakis, un livre sans nuances, pétaradant et rageur, qui tirait à bout portant sur quelques-unes de nos idoles littéraires, Réjean Ducharme en tête. Si le roman de Mavrikakis n’a pas fait l’unanimité, peu s’en faut, il a eu le mérite de nous rappeler encore qu’une littérature qui malmène ses intouchables et s’autocritique sans complaisance, c’est une littérature qui a les reins solides.

En terminant, deux événements qui méritent d’être soulignés, tant ils témoignent de la richesse et de la diversité de la littérature issue du territoire québécois: la parution, à quelques semaines d’intervalle, des romans de Yann Martel et de Mitiarjuk Nappaaluk.

Le premier est né de parents montréalais francophones, vit et enseigne à Berlin, écrit dans la langue de Shakespeare des romans publiés à Toronto, et vient de remporter le Man Booker Prize, le plus prestigieux prix décerné à un auteur du Commonwealth. La seconde est née dans le Nunavik, elle a 71 ans, elle est chasseresse, mère de famille et auteure de Sanaaq (traduit par l’anthropologue québécois Bernard Saladin d’Anglure, publié chez Stanké), annoncé comme le tout premier roman inuit à paraître en français…