Christiane Frenette : La ménagerie de verre
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Christiane Frenette : La ménagerie de verre

C’est l’histoire d’une femme venue écrire au bord du fleuve, et à travers elle, de tous les personnages qui l’habitent intensément. Des êtres fragiles, vulnérables que cette collectionneuse de fragments de verre nomme sa "ménagerie intérieure". Celle qui marche sur du verre décline leurs destins en 13 courtes nouvelles, encadrées par les deux beaux chapitres consacrés à la démarche d’écriture de la protagoniste, écrits au "tu" (qui camoufle un "je" de  l’auteure?).

C’est l’histoire d’une femme venue écrire au bord du fleuve, et à travers elle, de tous les personnages qui l’habitent intensément. Des êtres fragiles, vulnérables que cette collectionneuse de fragments de verre nomme sa "ménagerie intérieure". Celle qui marche sur du verre décline leurs destins en 13 courtes nouvelles, encadrées par les deux beaux chapitres consacrés à la démarche d’écriture de la protagoniste, écrits au "tu" (qui camoufle un "je" de l’auteure?).

Christiane Frenette y est sensible à la détresse, qu’elle soit affective, morale, matérielle. Ainsi, Le Manteau dépeint avec une vérité poignante le supplice d’une mère vivant de l’aide sociale à l’heure des courses. "Au supermarché, Marthe retrouve son angoisse familière. Chaque fois le même scénario devant les étalages: les crampes dans le ventre, les mains qui deviennent moites, les prix si bien affichés sous chaque article." Et il n’y a pire perte que celle de ses rêves, comme le rappelle la cruelle conclusion à l’ironie presque imperceptible de La Montagne, qui retrace la terne et dure existence d’un couple qui a toujours vécu à l’ombre d’un laid monticule de résidus miniers et d’un avenir sans horizons.

Dans ce premier recueil de nouvelles, la romancière et poète (La Terre ferme, La Nuit entière) laisse couler une écriture claire et plutôt simple, mais où la poésie émerge des images et du rythme. "L’été est moche. La vie est une canicule où l’on manque d’air. La vie est une rue déserte. La vie est d’un ennui mortel. Hélène a dix ans."

On y voit des enfants qui s’ennuient pendant les vacances ou la rédaction d’un examen, mais aussi des jeunes filles pressées de quitter l’enfance, de fuir loin du malaise d’une famille (L’Art de la fugue), de vieillir plus vite en faisant un bébé à 15 ans (L’Ange gardien). L’auteure saisit avec un regard empreint de compassion les moments fugitifs où l’enfance s’en va, où les certitudes et la confiance qui y sont associées prennent la porte (Merci pour tout), où le couple se brise (Bruges), où une nouvelle vie commence sur le vide de l’ancienne (Les Lilas de Baudelaire).

Dans ce trajet littéraire au ton cohérent, il n’y a guère que la nouvelle Tout Giono qui semble un peu trop fabriquée, avec sa chute télégraphiée. Sinon, l’art sensible de Christiane Frenette touche magnifiquement juste.

Celle qui marche sur du verre
de Christiane Frenette
Boréal
2002, 144 pages