Les Nouveaux Poètes d’Amérique : de Robbert Fortin

Voilà une lecture appropriée pour ceux qui ne voient dans la poésie contemporaine que varlopage de nuages et blablatages désincarnés. Si Robbert Fortin varlope, ce sont les nuages encore tièdes du World Trade Center, et comme poésie incarnée, poésie engagée, on ne fait guère mieux. Les Nouveaux Poètes d’Amérique, version refondue d’un recueil d’abord paru en 1998 aux Éditions des Intouchables, se présente comme un long chant pamphlétaire, un manifeste du droit à la différence et à l’idéalisme dans un monde aussi formaté qu’un disque dur.

Bousculant toute forme de conformisme, Fortin questionne la place du poète en cette ère de quête aveugle du profit et de désir d’immédiateté en tous domaines. Peuplée de D.J., ponctuée de code-barres et d’incursions futuristes noirâtres, sa poésie interroge en filigrane nos croyances profondes et scande un blasphème nécessaire: "si Dieu a fait l’Homme à son image / j’ai peur de Dieu s’il est armé / je ne désire pas Dieu dans ma maison / s’il cache une bombe sous sa veste".

Plus loin, soudain contemplatif, le poète célèbre les beautés encore intactes du monde. "Je passe du temps dans ce que je vois", écrit celui qui, entre deux cinglants "never more", "poétaime" pour l’Amérique. Voilà "une littérature accessible, au sens le plus noble du terme", ainsi que la présente Marcel Olscamp dans sa très belle préface.

Cette version des Nouveaux Poètes d’Amérique est suivie de Canons, une diatribe corrosive contre le prêt-à-penser, le "pop-corn littéraire" et les "collusions entre l’amour et le dollar". Une poésie électrochoc. Éd. de l’Hexagone, 2002, 155 p.