Collection amÉrica : Premiers de classe
La nouvelle collection amÉrica, créée par HMH Hurtubise, accueille les romanciers débutants de l’Amérique française. JACQUES ALLARD, directeur de l’édition littéraire, nous parle avec enthousiasme des quatre premiers titres publiés dans cet "espace du rêve et du changement".
Fondée en 1960, on lui doit certains des titres les plus nécessaires – comme on dit un mal nécessaire – de l’édition scolaire: L’Art de conjuguer, Introduction à la sociologie générale, Essais de phonostylistique, Manuel de littérature québécoise, etc. Mais depuis qu’elle a entamé la quarantaine, la maison HMH Hurtubise est bien décidée à rappeler à tous les anciens écoliers pour qui elle n’est qu’un mauvais souvenir, qu’elle est également l’instigatrice d’admirables collections et de projets sans lesquels l’édition québécoise n’aurait pas la santé qu’elle a. Et elle n’a pas fini son oeuvre.
Dans un désir de revamper son secteur littéraire, HMH Hurtubise a créé récemment une nouvelle collection, joliment intitulée amÉrica, où elle accueille les romanciers débutants de l’Amérique française.
"C’est une collection qui se définit comme l’espace du rêve et du changement", nous explique avec enthousiasme le directeur de l’édition littéraire, Jacques Allard, revenu en septembre 2001 chez HMH Hurtubise (où il a très longtemps dirigé la collection des Cahiers du Québec) après un séjour chez Québec Amérique. À ce jour, quatre titres sont parus, qui témoignent certainement de la volonté de l’éditeur de faire entendre de nouvelles voix et d’accueillir divers genres dans sa stalle.
Le premier des poulains n’était nul autre que Philippe Aquin, le fils de, faisant ses débuts en littérature avec La Route de Bulawayo, une espèce de road novel dans lequel le lecteur se voyait transporter dans une description du Zimbabwe profond. Émouvante façon, pour celui qui a été à l’origine, avec Bernard Beugnot, des travaux de l’édition critique d’Hubert Aquin, d’aborder la collection. "Philippe Aquin est un bonhomme extraordinaire, un expert informaticien qui prépare les cellulaires de demain, et qui se passionne, un peu comme son père, mais à sa façon, pour son milieu propre", raconte Allard avec la même tendresse qu’il met à parler de tous ses auteurs. "Johanne Villeneuve, qui a écrit Mémoires du chien, est une spécialiste de la littérature russe, et elle a écrit son roman à la façon des rhapsodes russes, ces fameux conteurs qui se promènent dans les campagnes en Russie. C’est énigmatique. C’est poétique. Et tous les gens de mon entourage qu’ils l’ont lu ont dit que c’était une véritable révélation."
Neurochirurgien brésilien, Rafaël Korn-Adler signe pour sa part São Paulo ou la mort qui rit, un thriller qui traite de façon on ne peut plus actuelle de la manipulation génétique et de l’intelligence artificielle. Enfin, récipiendaire du prix HMH pour le meilleur mémoire de fiction présenté à la maîtrise en études littéraires à l’UQAM, Maryse Latendresse est l’auteure de La Danseuse – "Quelle belle légèreté!" s’exclame Allard -, un roman qui explore le désir et la jalousie. Quatre romans fort différents, mais qui ont les qualités nécessaires, estime le directeur de la collection, pour appartenir à amÉrica. "On ne veut pas du tout publier des choses savantes car on s’adresse à un grand public. Mais on veut que les textes soient d’un certain niveau littéraire."
Collection en développement, amÉrica devrait montrer toutes ses couleurs dans les saisons à venir, avec des romans et des essais qui viendront du Québec, du Canada, des États-Unis et des Amériques francophones. En plus des Latendresse, Villeneuve, et Aquin (de retour au Québec après plusieurs années en Suisse), qui oeuvrent déjà à leurs prochains romans à paraître chez amÉrica, de nouveaux titres atterriront sur les tablettes, dont un signé par le docteur Vania Jimenez, celle-là même qu’on a surnommée le "médecin sans frontières" du CLSC Côte-des-Neiges. "Ça porte un très beau titre: Le Seigneur de l’oreille… C’est l’histoire d’un médecin qui travaille dans un milieu multiculturel, et qui est confronté à des codes très différents et à la nécessité d’avoir une écoute particulière." Viendront aussi le premier essai biographique consacré à Gaston Miron, et puis, en collaboration avec Radio-Canada, la publication d’une trentaine d’entretiens qu’a eus la romancière et journaliste Aline Apostolska, depuis deux ans, avec ceux qui font la littérature.
Saluant la volonté très nette du président de HMH Hurtubise, Hervé Foulon, d’investir dans la littérature, Jacques Allard semble s’adonner avec beaucoup de plaisir à la recherche active d’auteurs de l’Amérique francophone. "D’ailleurs, j’ai encore une place ou deux pour l’automne prochain", glisse-t-il à la fin de l’entretien. Que les auteurs à qui parlent le rêve et le changement profitent donc de l’invite.