Hôtel des brumes : de Christiane Lahaie
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Hôtel des brumes : de Christiane Lahaie

L’Hôtel des brumes, c’est l’antithèse du Club Med. Les matelas y sentent le moisi, les rideaux y sont défraîchis, pendant que dehors, l’orage gronde sans cesse, toujours prêt à fendre le ciel. Et il y a pire: l’hôtel imaginé par Christiane Lahaie s’est détaché un jour du continent et dérive, avec son morceau de grève caillouteuse, vers des horizons inhospitaliers. Autrement dit, on n’est pas là pour se faire dorer le nombril.

L’Hôtel des brumes, c’est l’antithèse du Club Med. Les matelas y sentent le moisi, les rideaux y sont défraîchis, pendant que dehors, l’orage gronde sans cesse, toujours prêt à fendre le ciel. Et il y a pire: l’hôtel imaginé par Christiane Lahaie s’est détaché un jour du continent et dérive, avec son morceau de grève caillouteuse, vers des horizons inhospitaliers. Autrement dit, on n’est pas là pour se faire dorer le nombril.

Tentée par le tableau impressionniste, l’auteure préserve un certain flou autour des repères physiques et temporels et donne peu de précisions quant à l’établissement, se contentant de dire que pendant fort longtemps, avant la tempête qui l’a emporté, "il aurait été fréquenté par des gens de la meilleure société, mais surtout par des fugitifs en quête d’un asile, d’un repos avant de reprendre le large".

Chaque chapitre de ce livre dit "roman-par-nouvelles" esquisse le drame intime de tels personnages, toujours à l’aube ou au lendemain d’une transformation, d’une renaissance. Il y a Étienne Moran, le vaillant policier, qui espère que l’air salin apaisera sa conscience et lui fera oublier une récente affaire, qui s’est terminée en marge de l’éthique policière. Il y a Penny Sands, une vieille dame qui écrit à l’un de ses amis pour lui confier ses remords adultères, et surtout son étonnement de voir son vieux coeur se gonfler à nouveau de passion. Il y a encore Alphonse Tracy, le dentiste quinquagénaire, qui doute de vibrer longtemps pour la rousse sculpturale et un brin simplette qu’il a épousée peu après l’avoir embauchée comme assistante.

Qu’est-ce qui réunit dans cet hôtel flottant ces personnages de tous les horizons? Le simple besoin d’isolement? Ce serait trop simple. Pour certains, le séjour n’est-il pas une dernière escale avant la mort? Le livre n’y répondant pas tout à fait, semant plus de possibles que de certitudes, le lecteur reste un peu sur sa faim, lui qui avait l’impression d’aller d’une clé à l’autre. En chemin, celui-ci est toutefois séduit par la fine psychologie des personnages, déclinée à travers plusieurs variantes narratives (récits au je, au tu, au vous…). Il goûte aussi les chutes qui, sans être toujours éclatantes, le lance à brûle-pourpoint sur des pistes inattendues.

Hôtel des brumes est avant tout une fête de l’écriture, qui demeure étonnamment précise à travers les brouillards volontaires jetés sur les tableaux. L’Instant même, 2002, 112 p.

Hôtel des brumes
Hôtel des brumes
Christiane Lahaie