Les Passions intellectuelles, IIExigence de dignité (1751-1762) : d’Élisabeth Badinter

Les Passions intellectuelles

, d’Élisabeth Badinter, dressent un vaste portrait des relations personnelles et intellectuelles qu’ont entretenues les hommes et les femmes de lettres du 18e siècle français. Après un premier volume portant le sous-titre de Désirs de gloire et couvrant la période 1735-1751, Badinter fait paraître Exigence de dignité, la seconde partie de son ouvrage, où elle se penche sur les années 1751-1762.

Cette décennie est celle de L’Encyclopédie, de Diderot et d’Alembert. C’est également le moment où Voltaire atteint le sommet de sa gloire. Nombre d’historiens se sont intéressés à l’effervescence intellectuelle de ces années au cours desquelles on n’a cessé de parler de liberté d’expression, de tolérance, etc. L’originalité de Badinter tient à sa manière de présenter les débats d’idées de cette époque en les situant à hauteur d’homme… et de femme!

Badinter commente évidemment les livres des auteurs du temps. Mais elle accorde aussi une grande importance aux correspondances que ces écrivains entretenaient entre eux, de même qu’avec leurs maîtresses et les femmes d’esprit qui tenaient salon à Paris. Sans jamais sombrer dans l’étalage de détails croustillants sur les petites manies de ces grands personnages, la découverte de ces lettres nous introduit au coeur du réseau de relations personnelles à même lequel se sont tissés les alliances philosophiques et les conflits d’idées qui ont marqué la vie intellectuelle du milieu du 18e siècle.

L’intitulé Exigence de dignité identifie ce que le volume dévoile être la préoccupation commune des gens de lettres d’alors: la définition d’une éthique, d’une morale stipulant que les "philosophes" (ceux qu’on appellera les intellectuels à la fin du 19e siècle) doivent faire tout ce qui leur est possible afin que leur savoir ne soit pas à la solde des hommes de pouvoir et d’argent. Sauf qu’en ces temps où l’obtention du moindre poste et la publication de chaque livre étaient tributaires du bon vouloir du roi et des largesses de quelques aristocrates éclairés, il était bien difficile de conjuguer l’indépendance des idées et le paiement de ses dettes.

Les Passions intellectuelles portent très bien leur titre: parce que ce second volume, comme le précédent – et ce sera certainement aussi le cas du troisième à venir -, est un ouvrage aussi passionnant qu’intelligent. Éd. Fayard, 2002, 461 p.