Confessions d'une radine : de Catherine Cusset
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Confessions d’une radine : de Catherine Cusset

La mode de l’"autofiction" chère à la littérature française contemporaine met généralement en jeu la relation au corps, jetée sans pudeur en pâture au lecteur-voyeur. Une auteure ira raconter un inceste, l’autre, une liaison torride. Catherine Cusset, elle, se livre (mais peut-être pas tant que ça) à travers son complexe et problématique rapport à l’argent. La délicieuse écrivaine française (Le Problème avec Jane, La Haine de la famille) se commet dans un aveu aussi embarrassant: elle est radine…

La mode de l’"autofiction" chère à la littérature française contemporaine met généralement en jeu la relation au corps, jetée sans pudeur en pâture au lecteur-voyeur. Une auteure ira raconter un inceste, l’autre, une liaison torride. Catherine Cusset, elle, se livre (mais peut-être pas tant que ça) à travers son complexe et problématique rapport à l’argent. La délicieuse écrivaine française (Le Problème avec Jane, La Haine de la famille) se commet dans un aveu aussi embarrassant: elle est radine…

Une confession, certes, mais d’abord l’expression d’un regret chez l’auteure de Jouir, qui s’avoue fourmi alors qu’elle aurait aimé "être née cigale". Car être radin, c’est d’abord "une attitude de suspicion, de rétention, de calcul et de paranoïa". Une incapacité à profiter des choses sans compter, calculer, se méfier, craindre d’être dupe.

Mue par "l’idée de ne pas payer" qui surmonte sa peur, la narratrice de Confessions d’une radine a à peine 10 ans qu’elle commet des petits larcins dans les commerces. Puis, aveu autrement gênant: à 30 ans, la prof et déjà auteure se fait prendre la main dans le sac alors qu’elle vient de subtiliser un bouquin dans une sympathique librairie du Quartier Latin. La honte.

Mais Catherine Cusset dresse surtout l’inventaire de mesquineries plus vénielles et quotidiennes. J’ai "une attirance vertigineuse pour la bonne affaire", admet celle qui a acheté sa robe de mariée au rabais, qui préfère dîner seule au resto que de payer pour les autres sans raison, qui est capable de marcher pendant des heures la nuit, voire de demander un lift à des inconnus – quitte à se mettre stupidement en danger -, afin de ne pas avoir à prendre un taxi.

On est malgré tout loin de Séraphin, dans ce portrait plus nuancé et complexe, mais dominé par le regret de ne pas être différente. "J’aime l’attitude américaine: payer avec le sourire, se faire avoir, trouver qu’on en a pour son argent, être content", écrit cette auteure installée à New York. D’une facture légère, la confession se fait avec humour, une autodérision sous-jacente et une écriture forcément économe: "Les mots aussi, je les épargne. J’ai toujours peur d’en dire trop."

Chiche par le volume mais généreux par le dévoilement (encore que… "j’ai beau me livrer, je ne donne rien de moi"), ce petit livre nous rappelle, au prix de peu d’efforts, combien notre comportement face à l’argent modèle nos vies de tous les jours. Toujours ça de gagné, comme dirait la narratrice de Confessions d’une radine.

Confessions d'une radine
Confessions d’une radine
Catherine Cusset