Champion des droits démocratiques au Québec : Appel à la justice de l’État de Pierre du Calvet

Il nous semble parfois qu’entre 1760 et 1960, il ne s’est pas passé grand-chose de bien significatif sur le plan de la vie intellectuelle québécoise. La réédition de l’Appel à la justice de l’État, de Pierre du Calvet, un ouvrage qui n’était plus disponible depuis sa publication originale de 1784, nous oblige à revoir cette opinion.

Le livre qui paraît sous la signature de Jean-Pierre Boyer s’ouvre sur une biographie de Pierre du Calvet. Né en France en 1735, il immigre en Nouvelle-France en 1758. De religion protestante, il est en position de représenter les intérêts des francophones au sein de l’administration coloniale, fermée aux catholiques. Jusqu’en 1780, il lutte contre les abus de pouvoir des autorités militaires. Soupçonné de collaboration avec les rebelles états-uniens, il est alors emprisonné sans procès pendant trois longues années. Réfugié en Angleterre, il entreprend de dénoncer publiquement les agissements tyranniques du gouverneur Haldimand. De retour sur le continent américain en 1785, du Calvet meurt l’année suivante lors du naufrage, au large de New York, du navire qui doit le ramener à Londres.

Dans son Appel à la justice de l’État, dont la retranscription occupe l’essentiel du livre de Boyer, du Calvet témoigne de l’existence qu’il a menée sous les incessantes menaces des hommes de main du gouverneur Haldimand, ce qui fait de son ouvrage l’un de nos tout premiers écrits autobiographiques. Il y discute aussi d’un ensemble de réformes devant conduire à l’instauration d’une véritable démocratie au sein de la colonie à laquelle les Britanniques ont donné le nom de Province of Quebec: des pages proprement rafraîchissantes, qui démontrent qu’il est possible de discuter de l’avenir de ce pays sans que les questions de la langue et des origines ethniques de sa population ne se mettent dans le chemin du projet politique.

Appel à la justice de l’État de Pierre du Calvet nous dit non seulement que l’histoire de ce pays ne s’est pas arrêtée avec la Conquête pour recommencer deux siècles plus tard, avec la Révolution tranquille; il nous apprend que c’est de cette époque que datent les premières tentatives de définir une identité québécoise fondée sur la participation à un projet de société plutôt que sur la seule préservation frileuse de sa langue. Éd. du Septentrion, 2002, 323 p.