Jacques Ferrandez : Le chantre du monde
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Jacques Ferrandez : Le chantre du monde

En Irak, en Syrie, au Liban ou en Algérie, JACQUES FERRANDEZ dessine ailleurs. Surtout dans les rues poussiéreuses et de préférence sous un soleil de plomb.

À mille lieues des elfes, des lutins, des superhéros et des vengeurs masqués, il y a les histoires de Jacques Ferrandez. Depuis 20 ans, ce Français né en Algérie raconte les hommes et les pays du Sud sans fioritures, et parfois même sans aventure. Il ne faut pas craindre la simplification ou suspecter l’ennui, parce que sous couvert d’ordinaire, il est connu pour avoir su toucher les fondements de luttes fratricides et le tréfonds de la psychologie humaine.

Refusant de rester penché à longueur d’année sur sa table à dessin comme le font la plupart de ses collègues, Jacques Ferrandez saute sur toutes les bonnes occasions d’aller voir ailleurs, dehors, plus loin. Parfois même très loin des imaginaires habituels, dans des endroits aussi improbables que l’Irak, la Syrie ou le Liban, d’où il est revenu chargé de "carnets de voyages". "Je rapporte chez moi des tas de carnets remplis et j’invente ensuite un récit. Jamais de scénario écrit à l’avance. Au retour, je fais ma petite cuisine avec mes croquis, mes souvenirs, de la documentation et un peu d’imagination."

Comme il traîne ses crayons un peu partout et qu’il est apprécié pour la justesse de ses impressions sur la vie des gens, on lui demande souvent d’aller croquer d’autres pays. Dans le Nord pour changer. Il rit… "Ça me prend une année entière de travail pour faire un album! J’ai déjà pris du retard dans la réalisation des trois derniers tomes des Carnets d’Orient sur la guerre d’Algérie, j’ai quelques autres projets en route et je n’ai que deux bras!…"

Son dernier album paru, La Guerre fantôme, est le sixième volume d’une longue fresque sur la douloureuse histoire de la colonisation française en Afrique du Nord. Une oeuvre risquée, entamée il y a presque 15 ans, qui montre l’engrenage tragique des événements à travers le parcours d’individus ordinaires: "J’ai toujours pris l’histoire par les personnages… Dans l’Histoire, ce qui m’intéresse, ce sont les histoires." Chacun des cinq premiers volumes de la série a été vendu à près de 150 000 exemplaires.

À noter la réédition au printemps de L’Outremangeur, en même temps que la sortie en France de l’adaptation cinématographique de ce classique coécrit avec l’excellent Tonino Benacquista.

Carnets d’Orient: La Guerre fantôme de Jacques Ferrandez, Casterman, 2002, 64 p.