Spoutnik 4 et Retour de vacances : Savoureuse pastèque
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Spoutnik 4 et Retour de vacances : Savoureuse pastèque

Avec la parution d’un numéro de Spoutnik bon an, mal an, les éditions de la Pastèque démontrent qu’il y a de la place au Québec pour une revue de bandes dessinées d’avant-garde. Poursuivant une ligne éditoriale exigeante, assurant aux oeuvres qu’elle publie un support matériel de qualité et les distribuant dans plusieurs pays, l’entreprise montréalaise, dirigée par Martin Brault et Frédéric Gauthier, se distingue par sa rigueur et son absence de compromis. Ce qui n’exclut pas une bonne part réservée à la folie et au  rêve…

Avec la parution d’un numéro de Spoutnik bon an, mal an, les éditions de la Pastèque démontrent qu’il y a de la place au Québec pour une revue de bandes dessinées d’avant-garde. Poursuivant une ligne éditoriale exigeante, assurant aux oeuvres qu’elle publie un support matériel de qualité et les distribuant dans plusieurs pays, l’entreprise montréalaise, dirigée par Martin Brault et Frédéric Gauthier, se distingue par sa rigueur et son absence de compromis. Ce qui n’exclut pas une bonne part réservée à la folie et au rêve…

La quatrième livraison de la revue est une belle illustration du traitement particulier réservé aux oeuvres par la Pastèque, chaque créateur ayant droit à un papier d’une texture et d’une pigmentation différentes, choisies en fonction de la bande dessinée proposée. Comme dans les numéros précédents, les divers récits réunis tendent vers une expérimentation sur les plans formel et narratif, nous amenant à reconsidérer les limites du genre.

Dans Young America, le Français Émile Bravo propose deux récits de quatre planches chacun où les illustrations sont exactement les mêmes mais où le texte des phylactères a été changé, donnant ainsi deux visions diamétralement opposées de la jeunesse des années 50. Jean-François Martin, qui a illustré une histoire à partir de phrases découpées dans un livre, donne la réplique à Martin Brault, lequel adopte la technique inverse en ajoutant du texte sur des gravures anciennes, rappelant certaines planches du grand Fred.

Parmi ces tentatives de dépassement des règles du neuvième art apparaissent quelques récits plus classiques et fort divertissants. Michel Rabagliati donne le meilleur de lui-même dans Paul à la quincaillerie, développant une théorie sur la rénovation domiciliaire. Dans Whisper, l’artiste originaire de Hong-Kong Chihoi Lee livre un récit presque muet et tout en nuances d’un chagrin amoureux ayant pour cadre une grande ville. D’autres habitués de Spoutnik, comme Matt Broersma, Phlpp Grrd, Leif Tande, Tanitoc, Nicolas Mahler et Ulf K., complètent ce numéro sans faille.

Patrimoine de la bédé québécoise
La bande dessinée québécoise a-t-elle une histoire assez significative pour que l’on se soucie de rééditer certaines oeuvres considérées comme "patrimoniales"? C’est l’autre pari intéressant que font les éditions de la Pastèque depuis la deuxième édition de Spoutnik. Ce numéro, paru en l’an 2000, avait sorti des tiroirs quelques planches d’Albert Chartier mettant en vedette le brave Onésime, dont les aventures avaient été racontées dans le Bulletin des agriculteurs au milieu du dernier siècle.

La Pastèque propose maintenant une monographie complète consacrée à l’oeuvre de Jacques Gagnier (1918-1978), caricaturiste au quotidien La Patrie dans les années 40. Sous le titre Retour de vacances, le livre contient 56 planches choisies parmi une série de BD parues dans l’édition dominicale du journal. Peignant les toutes premières années de l’après-guerre, elles abordent divers thèmes ayant marqué l’époque: la consommation, les loisirs, la mode vestimentaire, les moyens de transport. Le livre est coiffé d’une préface de Michel Viau, spécialiste de l’histoire de la BD au Québec.

Si on ne rit plus vraiment à la lecture de cette oeuvre humoristique qui date, la fougue et la finesse vraiment moderne du trait n’en sont pas moins incontournables. Ce n’est pas pour rien que ce livre satirique paraît chez un éditeur qui a favorisé l’émergence chez nous de l’autofiction en BD (celle de Rabagliati), également ancrée dans le temps par sa peinture du quotidien. Sans compter que le dessin vaguement rétro des créateurs contemporains, dans son mouvement et dans sa sobriété, a justement tendance à s’inspirer de celui des bédéistes du milieu du siècle. Avec la réédition des oeuvres de Chartier et de Gagnier, la Pastèque permet ainsi d’apprécier cette parenté dans le style et dans le propos chez différentes générations d’illustrateurs.

Spoutnik 4, éditions de la Pastèque, 2002, 92 p.
Retour de vacances, éditions de la Pastèque, 2002, 62 p.