Nouvelles d'autres mères : Mots et merveilles
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Nouvelles d’autres mères : Mots et merveilles

Nouvelles d’autres mères se lit d’un seul souffle. On est happé par la valse des mots acides, drôles et touchants. Dans ce second recueil après J’ai de mauvaises nouvelles pour vous, Suzanne Myre aiguise sa plume autour de la relation mère-fille, qu’elle éclaire avec justesse. Les femmes ont donc la parole. Paroles de la fille surtout, dont les mots peuvent tuer comme des ciseaux plantés dans le ventre maternel.

Nouvelles d’autres mères

se lit d’un seul souffle. On est happé par la valse des mots acides, drôles et touchants. Dans ce second recueil après J’ai de mauvaises nouvelles pour vous, Suzanne Myre aiguise sa plume autour de la relation mère-fille, qu’elle éclaire avec justesse. Les femmes ont donc la parole. Paroles de la fille surtout, dont les mots peuvent tuer comme des ciseaux plantés dans le ventre maternel.

La narratrice affûte sa prose par des flèches qu’elle décoche dès la première nouvelle. Une mère fraîchement veuve et qui déjà "est entourée d’hommes de toutes les espèces, comme un pommier est encerclé de touffes de menthe pour le protéger des insectes nuisibles. Je suppose que c’est normal: elle sent aussi bon que ses fonds de garde-robes". C’est dans la deuxième nouvelle que Suzanne Myre déploie son talent explosif. Lisa, 29 ans, célibataire et peu douée pour le bonheur, écume la Gaspésie avec sa mère divorcée depuis belle lurette. Cette mère qui a tout pour elle tandis que la fille geint à propos de tout, de rien, de rien du tout. Son humour corrosif sert à masquer un mal-être, une migraine de l’âme.

Prendre Percé comme lieu de révélations n’est pas anodin car cette relation filiale est percée par une place manquante: celle du père. Les récits sont tous autonomes – ôte ton homme – mais ils s’imbriquent autour de cette absence.

Une fillette compte les hommes qui viennent tondre la pelouse de sa mère – mais ils ne sont pas des représentants du père pour autant; une fille tombe enceinte sans savoir qui est le géniteur: "Tu m’as élevée dans la tradition suffragette enragée. Regarde ce que ça a donné. Une autre fille-mère", lance-t-elle à sa mère.

Quand présence masculine il y a, elle se trouve toujours dans l’ombre et la proximité maternelle. Après l’enterrement de la mère, un frère dîne chez sa soeur qui lui sert une pizza parsemée… des cendres de la défunte. Un mari alcoolique enterre sa femme qui vient de se suicider et s’occupe de leur fillette dont le destin basculera du côté de la mère.

La seule fois où le père pourrait prendre sa place, voilà que la mère le quitte, ne supportant pas la tendre complicité qui règne entre sa fille et lui. Est-ce par crainte de liens incestueux?

Dans Nouvelles d’autres mères, titre aux résonances d’outre-tombe, la mort de la mère plane au fil des récits. À travers son regard perçant, l’auteure raconte l’universelle histoire d’une mère et de sa fille liées à jamais. Mais une autre vérité jaillit: dans ce rapport filial, après avoir croqué dans la pomme maternelle, la fille doit détacher ses lèvres du fruit doux-a-mère.

Suzanne Myre capte l’essence du lien mère-fille, qui pourrait se définir en reprenant sa propre mise en exergue dans Les Deux Crachats: "Avant de cracher votre mère, assurez-vous d’y avoir au moins goûté."

Récompensée par plusieurs prix littéraires, Suzanne Myre étonne et détonne avec ce deuxième livre caustique, drôle et émouvant. Une fois encore, l’auteure emprunte la voie de l’autodérision espiègle et libératrice. Une voix unique aussi.

Nouvelles d’autres mères
de Suzanne Myre
Éd. Marchand de feuilles, 2003, 174 p.

Nouvelles d'autres mères
Nouvelles d’autres mères
Suzanne Myre