Marie Auger : L'Excision
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Marie Auger : L’Excision

Avec L’Excision, l’enfant terrible de la littérature québécoise frappe une nouvelle fois et signe son sixième ouvrage sous son nom de plume, Marie Auger. Pour ceux qui l’ignorent, c’est Mario Girard, alias Mario G., qui se cache derrière Marie Auger. Du travestisme littéraire, comme il en existe quelques cas en littérature.

Avec L’Excision, l’enfant terrible de la littérature québécoise frappe une nouvelle fois et signe son sixième ouvrage sous son nom de plume, Marie Auger. Pour ceux qui l’ignorent, c’est Mario Girard, alias Mario G., qui se cache derrière Marie Auger. Du travestisme littéraire, comme il en existe quelques cas en littérature.

Dans L’Abîmetière (1999), écrit sous sa vraie identité et le plus autobiographique de tous ses livres, Mario Girard affirmait que les histoires étaient plus intéressantes quand elles ne s’inspiraient pas de la vie personnelle de l’écrivain. Se glisser dans la peau d’une femme pour écrire, c’est donc pouvoir explorer des thèmes qui lui sont inconnus. Et pas n’importe quels thèmes! L’univers dans lequel Marie Auger plonge le lecteur est celui de femmes enfermées dans leur enveloppe corporelle, à l’esprit figé, dont la violence retournée contre elles-mêmes flirte avec le masochisme. Elle aborde donc l’inconnu en racontant des histoires effroyables… histoire de se protéger de la souffrance.

Pourtant, c’est bien de souffrance que traite L’Excision, ou plutôt de la douleur de ne pas souffrir. "Je ne sens rien. Absolument rien. Trifouillez-moi avec une lame de rasoir et je ne réagirai pas." Avec cette entrée en matière, la narratrice déroule le tapis rouge sang de ses confidences racontées avec truculence.

Les premières pages s’ouvrent sur son insensibilité physique. "Je voudrais tellement savoir ce que c’est que de ressentir de la douleur", et, plus loin, "souffrir est le genre de paradis que je voudrais connaître un jour".

Alors elle monte à genoux les marches de l’oratoire Saint-Joseph et elle offre en spectacle ses genoux en sang à des pénitents qui la vénèrent comme la Vierge Marie. Enfant, elle circule en fauteuil roulant, incapable de sentir le poids de son corps sur le sol. Dix ans à se jeter en bas des escaliers… sans avoir mal. Et que dire de l’absence de plaisir, en l’occurrence sexuel?

"Mon clitoris est un accessoire décoratif." De Vierge Marie, elle passe à "Marie-couche-toi-là". Coucher pour connaître la torture mentale que cela lui fait subir: "Je ne souffre pas, mais c’est mieux que rien."

Sur le carrousel de ses obsessions tournoient son ex-mari Pierre, son amante Laura et sa fille Katia, qui disparaissent dans les trous noirs de la peau de la narratrice. Le récit se lit à travers de courtes vignettes aux images découpées dans le vif de l’absurde et de la démesure. Emporté par le train à grande vitesse roulant en sens inverse de la marche, on souffle un peu quand la narratrice juge son oeuvre dans l’oeuvre elle-même, par des titres soulignant l’adéquation entre les mots et les maux: une première coupure; une coupure superficielle; une coupure profonde; une dernière coupure.

Le voile se lève sur le choix du titre, l’excision, acte qui, selon elle, n’a pas de sens, mais "il est plus facile d’accepter l’incompréhensible que de comprendre l’inacceptable". Au début du livre, la narratrice se disait dotée d’une acuité visuelle, mais à quoi bon, puisqu’"on ferme trop souvent les yeux". Chose certaine, on ne fermera pas les nôtres sur L’Excision. XYZ éd., 2003, 141 p.

L'Excision
L’Excision
Marie Auger